La GRC n’a pas de statistiques sur les armes «fantômes» malgré leur prolification

FREDERICTON — Même si la technologie permettant de fabriquer des armes artisanales, dites «armes fantômes», devient moins coûteuse et plus répandue, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ne tient pas de registre sur la fréquence à laquelle ces armes sont utilisées dans des crimes à travers le pays.

Les fusils «fantômes» sont des armes à feu sans numéro de série qui sont assemblées à partir de pièces détachées ou de morceaux créés avec des imprimantes 3D. Ils sont faciles à fabriquer et difficiles à retracer, ce qui fait en sorte qu’on les retrouve de plus en plus souvent sur les scènes de crime au Canada et aux États-Unis.

Cependant, la GRC ne dispose pas de base de données sur les armes à feu artisanales. Par courriel, le corps policier fédéral a assuré avoir porté plainte dans plusieurs dossiers où des armes «fantômes» avaient été utilisées, mais il n’a pas fourni de statistiques précises.

«Cette présence (dans les enquêtes) est cohérente avec les tendances nationales et internationales selon lesquelles des armes à feu de fabrication artisanale sont utilisées dans des activités criminelles», peut-on lire dans le courriel que la GRC a transmis à La Presse Canadienne.

La GRC a dit être au courant «de manière anecdotique» de plusieurs saisies d’armes «fantômes» au Canada, mais a reconnu qu’elle «ne recueille pas de statistiques à ce sujet».

De nos jours, des fichiers d’impression 3D permettent de fabriquer une large gamme d’armes à feu, y compris des fusils d’assaut.

Difficiles à retracer

Selon le professeur de l’Université Saint Mary’s, à Halifax, Blake Brown, qui se spécialise dans l’histoire du contrôle des armes à feu au Canada, il serait important que des statistiques nationales et régionales soient comptabilisées afin de mieux comprendre dans quels secteurs les armes «fantômes» sont les plus utilisées.

«Pour la plupart des armes de poing, si la police fait preuve d’un minimum de volonté, elle peut généralement retrouver leur origine, même jusqu’aux États-Unis ou en Europe», a expliqué M. Brown.

«Mais ces armes artisanales, elles peuvent changer de mains plusieurs fois, donc il peut être très, très difficile de déterminer d’où elles proviennent.»

Partout au Canada, les différents corps policiers sont bien au fait du problème posé par la prolifération des armes «fantômes».

Plus tôt cette année, une unité de lutte contre la violence armée du Québec, dont font aussi partie certains membres de la GRC, a annoncé avoir arrêté 45 personnes et saisi 440 armes à feu lors de perquisitions ciblant des fabricants d’armes à feu imprimées en 3D dans huit provinces, à savoir le Québec, l’Ontario, l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Saskatchewan.

En septembre, une enquête du coroner a permis d’apprendre que les armes utilisées pour assassiner au hasard trois personnes dans la région de Montréal en août 2022 étaient de fabrication artisanale.

Aux États-Unis, le département de la Justice a indiqué à la Cour suprême que les forces de l’ordre locales avaient saisi plus de 19 000 armes «fantômes» sur les scènes de crime en 2021, soit 10 fois plus que cinq ans plus tôt.

Échappatoire à la loi

De l’avis de M. Brown, de l’Université Saint Mary’s, le Canada possède une réglementation assez robuste en ce qui concerne les armes à feu, en particulier les armes de poing.

Toutefois, les armes imprimées en 3D parviennent à échapper à la réglementation, car elles n’ont pas de numéro de série.

Les experts s’entendent également pour dire qu’il est relativement facile pour quelqu’un de fabriquer une arme à feu. Tout ce qu’il faut, c’est une imprimante 3D — qui utilise un laser pour sécréter une résine liquide qui durcit pour former les pièces du pistolet — et des instructions, disponibles en ligne.

Rien dans la Loi sur les armes à feu n’interdit à une personne de posséder un manuel numérique pour apprendre comment fabriquer une arme imprimée en 3D. La possession d’une arme à feu imprimée sans permis ni certificat d’enregistrement peut cependant entraîner la saisie de l’arme et des poursuites criminelles.

«Mais s’il y a un marché, certaines personnes vont prendre le risque et tenter de fabriquer de telles armes», selon M. Brown.

— Avec des informations de l’Associated Press