La course aux morilles

CHRONIQUE. Vous avez déjà vu des vrais de vrais mordus ? Des gens avides d’activités nautiques, comment ils sont impatients au printemps, les mêmes qui sortent leurs skis en septembre, pour être prêt dès la première neige… Eh bien les mycologues ont aussi leurs impatients frétillants du printemps. Ils se préparent pour la saison chaude et les randonnées en forêt. Ils sont particulièrement nerveux de partir pour la très courte saison des Morilles !

Les morilles érigent leurs carpophores au printemps en une seule volée, avant que la terre n’ait réchauffée pour atteindre une vingtaine de degrés Celsius. C’est un champignon qui procède un peu différemment des autres (qui se reproduisent en été et en automne). Son mycélium va passer toute la saison chaude à préparer des sclérotes à partir d’un sol relativement riche (des boules de réserve pour sa survie), et va cacher ses réserves dans un sol plus pauvre. Au printemps suivant, les sclérotes vont produire des champignons alvéolés qui répandent des spores pour assurer la survie de l’espèce dans un autre endroit. Il n’y aura pas de champignon du reste de la saison chaude.

Les fruits tant convoités se forment environ une semaine après l’apparition des premières feuilles vertes sur les peupliers, les trembles et les bouleaux. Les morilles préfèrent les forêts brûlées de pins, d’épinettes, de trembles, de peupliers et de bouleaux. Elles poussent sur un terrain plat, sur des pentes et dans des creux, partout où le sol est suffisamment humide et les températures moyennement chaudes.

Si la terre réchauffe trop vite, les sclérotes avortent. S’il ne pleut pas, ou trop, cela va aussi affecter l’apparition des fruits. Des théories laisseraient sous-entendre que les vibrations du sol (tremblement de terre, dynamitage, et foudre) seraient des déclencheurs pour la fructification.

Comment cuisiner les morilles

J’ai entendu plusieurs histoires de cueillette miraculeuses de morilles aux pieds de pommiers sauvages. On imagine que le sucre des pommes de l’automne précédant aura contribué à fournir l’énergie au mycélium et aux sclérotes, ainsi que modifier le pH du sol, car en fermentant, les pommes vont éventuellement virer en cidre aigre, et acidifier le sol. Lors du dégel ou d’un feu, le pH sera modifié à la hausse. Ceci serait un des déclencheurs de fructification.

Les morilles concentrent le plomb et l’arsenic du sol dans leurs fruits. Ne jamais cueillir un champignon qui pousse dans un milieu possiblement contaminé. Saviez-vous que les vergers étaient autrefois arrosés de pesticides à base d’ARSENATE DE PLOMB. Il n’est donc pas question de consommer les belles morilles ayant concentré ces métaux lourds toxiques.

Une morille de la grosseur d’un poing peut suffire à nourrir une seule personne. Les arômes les plus appréciés sont hydrosolubles, c’est-à-dire qu’ils vont partir avec l’eau (de lavage ou de réhydratation). Si la morille perd son goût dans l’eau, c’est donc une bonne pratique de réutiliser l’eau de trempage des morilles pour incorporer à une sauce ou un bouillon, l’ajouter à l’eau de cuisson du riz, ou simplement en faire la base d’une boisson chaude.

Attention: il faut vraiment bien cuire les morilles fraiches avant de les consommer et éviter de respirer les vapeurs de cuisson toxiques. Bien ventiler. Même principe pour la déshydratation, bien ventiler.

Pour les nouveaux qui s’intéressent aux champignons, attention, les morilles peuvent être confondues avec une autre espèce toxique, le gyromitre commun. Dans ce cas la cuisson n’enlève pas les toxines. Les toxines de gyromitrine s’accumulent dans le corps et rendent malade.

Le guide mycologique et le cueilleur professionnel en moi frétillant de parcourir pendant plusieurs heures les vergers et les plantations de pins gris, de notre région avant que la terre ne réchauffe trop !

J’entends déjà les morilles mauriciennes… « Cherche-moi, trouve-moi, cueille-moi »

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Stéphane Lamanna est un mycologue amateur de Grandes-Piles et membre du Cercle des mycologues de Lanaudière et la Mauricie.  Au fil de ses chroniques, il souhaite partager sa passion de l’étude des champignons et de leurs propriétés insoupçonnées.