Le budget fédéral prévoit jusqu’à 5 G$ en garanties de prêt pour les Autochtones

OTTAWA — Le gouvernement fédéral offrira jusqu’à 5 milliards $ de garanties de prêt aux communautés autochtones pour qu’elles investissent dans des projets de ressources naturelles et d’énergie.

La Loi fédérale sur les Indiens, qui régit les Premières Nations, ne leur permet pas de mettre leurs terres en garantie de prêts, ce qui rend plus ardu le financement de projets.

Annoncée dans l’énoncé économique de l’automne dernier, la garantie de prêt autochtone incluse dans le budget déposé mardi permet aux communautés de décider dans quels projets investir.

Les prêts seraient garantis par le gouvernement fédéral, ce qui permettrait aux emprunteurs autochtones d’obtenir des taux d’intérêt plus avantageux.

Mais lorsqu’il s’agit de combler ce que les militants considèrent comme un écart considérable en matière d’infrastructures autochtones, il manque à Ottawa plus de 420 milliards $.

Les chefs d’entreprises autochtones réclament depuis longtemps que le programme permette les investissements dans des projets pétroliers et gaziers, dans le but d’exercer leur autodétermination.

La Coalition des projets majeurs des Premières Nations prévoit que la participation des Autochtones dans le secteur des ressources naturelles et de l’énergie pourrait atteindre 525 milliards $ en investissements en capital au cours des 10 prochaines années.

Selon la coalition, jusqu’à 50 milliards $ supplémentaires pourraient être nécessaires pour le financement par capitaux propres des Autochtones.

«Si le Canada veut faire en sorte que les communautés autochtones profitent pleinement des occasions qui s’offrent à elles, ces dernières doivent pouvoir accéder à des capitaux abordables qui répondent aux besoins qui leur sont propres», lit-on dans le document du budget 2024.

La cheffe Sharleen Gale, présidente de la Coalition des grands projets des Premières Nations, a félicité le gouvernement fédéral pour avoir enfin mis en œuvre le programme.

«En accordant ce soutien financier aux Autochtones, le gouvernement du Canada franchit une étape importante vers une progression significative de la réconciliation économique dans ce pays», a-t-elle écrit dans un communiqué de presse.

Ottawa s’était engagé l’an dernier à prêter des capitaux abordables aux communautés autochtones par l’intermédiaire de la Banque de l’infrastructure du Canada, pour les aider à acquérir des participations dans des projets d’infrastructure dans lesquels la banque investit également.

Mais la Banque de l’infrastructure n’a pour mandat que d’investir dans des projets qui font progresser des initiatives telles que l’énergie propre, les infrastructures vertes, la technologie à large bande et les transports.

Lisa Baiton, présidente de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, croit que l’inclusion de l’industrie pétrolière et gazière dans le programme ouvrira de nouvelles voies aux communautés autochtones pour favoriser la réconciliation économique et l’autodétermination.

Enbridge, qui a été un fervent partisan d’un programme indépendant du secteur, a également célébré la nouvelle.

Des programmes similaires de garantie de prêt autochtone existent déjà en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario, mais certains intervenants ont fait valoir que l’absence de programme fédéral avait entraîné des lacunes juridictionnelles qui ont empêché le développement économique.

Un écart persistant

Mais même si les communautés autochtones constatent des gains en matière d’opportunités d’investissement, le budget est loin de combler le déficit en matière d’infrastructures.

Un récent rapport de l’Assemblée des Premières Nations (APN) a révélé qu’il faudrait 349 milliards $ pour combler le déficit d’infrastructures d’ici 2030 – un objectif qu’Ottawa avait promis d’atteindre.

Pour amener les infrastructures autochtones au niveau de celles du reste du pays, il faudrait 135 milliards $ supplémentaires pour le logement, 5 milliards $ pour la connectivité numérique et 209 milliards $ de plus pour d’autres infrastructures, selon le rapport de l’APN.

Dans sa proposition budgétaire au gouvernement fédéral, l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente plus de 65 000 Inuits au Canada, avait également demandé 75,1 milliards $ sur 35 ans pour soutenir 115 projets et environ 790 millions $ par année pour le fonctionnement et l’entretien au cours des 25 prochaines années.

Le Ralliement national des Métis, qui représente les Métis de l’Ontario, de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, évalue ses demandes en matière d’infrastructures à 2,7 milliards $.

Mais le budget n’a alloué que 918 millions $ sur cinq ans à Services aux Autochtones Canada et à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada pour aider à réduire l’écart.

Ces 918 millions $ comprennent 426 millions $ pour les Premières Nations vivant dans les réserves, 370 millions $ pour les communautés inuites et 60 millions $ pour les communautés métisses. Les 4 milliards $ annoncés précédemment sur sept ans ont été alloués à la mise en œuvre d’une stratégie de logement urbain, rural et nordique qui, selon le gouvernement, est en cours d’élaboration avec des partenaires autochtones.

Le budget de mardi comprend également 89 millions $ pour soutenir un meilleur accès routier, 175 millions $ pour la gestion et la préparation aux urgences des Premières Nations, et 467 millions $ pour les services de police autochtones. 

Mais malgré l’argent promis, l’écart demeure à plus de 420 milliards $, ce qui, selon l’Assemblée des Premières Nations, pourrait avoir des conséquences économiques désastreuses sur les communautés et les personnes qu’elle dessert.

«Sans ces fonds, les infrastructures dont dépendent les communautés des Premières Nations à travers le pays continueront de se détériorer à un rythme alarmant», indique le rapport de l’APN.

«Sans cet investissement, la santé, la sécurité et les infrastructures communautaires des Premières Nations se détérioreront d’année en année.»