Quand les iPad et les marteaux font équipe
SAINT-TITE. Œuvrant dans une industrie peu réputée pour son ouverture aux changements, Construction Richard Champagne innove en développant de nouveaux procédés qui lui font gagner du temps tout en générant des économies.
Responsable de construire un immeuble de trois étages et 32 logements à La Tuque à l’hiver 2023, l’entrepreneur général de Saint-Tite cherchait une solution afin de respecter les échéanciers serrés auxquels il était confronté.
Ingénieur en construction et associé dans l’entreprise depuis 2019, Thierry-Eliot Villeneuve, suite aux recommandations du chargé de projet et à l’analyse de la faisabilité du projet, propose alors de préfabriquer à Saint-Tite les planchers et murs de l’immeuble et de les assembler sur le chantier à La Tuque.
« On a fait quelques tests au début et on a vu que ça fonctionnait. Au total, on a fabriqué pas loin de 100 modules de plancher de 12 pieds par 25 pieds et environ 150 murs. Il y avait aussi un défi logistique pour le transport, car il fallait penser à mettre les structures dans le bon ordre, c’est-à-dire que le premier morceau dont tu as besoin ne doit pas être en dessous de la pile », sourit le jeune entrepreneur aux côtés du fondateur Richard Champagne.
En mode conventionnel, Thierry-Eliot Villeneuve estime que la construction d’un étage aurait pris un mois, mais avec la nouvelle formule, la même structure était terminée au bout d’une semaine. « En termes de temps, on a pu le faire trois fois plus vite et globalement, on a réussi à économiser 20% sur les coûts. »
Pour fabriquer ses murs et planchers, Construction Richard Champagne avait réaménagé une de ses bâtisses à Saint-Tite qu’il a équipée d’un pont roulant et de tables pour travailler à hauteur d’homme. « On a embauché deux contremaîtres qui ont fait carrière chez Fermco à Saint-Adelphe et qui nous ont donné de bons conseils. À cause des enjeux de main-d’œuvre, je crois que le modulaire va devenir de plus en plus populaire, car même si ça finit par coûter la même chose, tu sauves du temps et sur la qualité aussi parce que faire de la construction en usine, ce n’est pas pareil que de le faire dehors quand il pleut ou quand il neige », poursuit l’ingénieur qui reprend cette formule dès qu’un chantier le permet.
Construction Richard Champagne a adapté ses méthodes de travail, notamment en préfabriquant à Saint-Tite certaines composantes. (Photo courtoisie)
Une industrie en mutation
Deuxième vice-président au sein de l’Association de construction du Québec (ACQ) Région Mauricie – Bois-Francs – Lanaudière – Centre-du-Québec, Thierry-Eliot Villeneuve constate que l’industrie de la construction est en train de changer même si encore plusieurs entrepreneurs sont réfractaires à modifier leurs façons de faire.
« Quand je rencontre un entrepreneur qui hésite à investir dans la formation de ses employés ou dans des logiciels, je lui explique qu’il ne peut pas penser obtenir de meilleurs résultats en utilisant les mêmes méthodes qu’il y a trente ans. C’est une question de survie pour plusieurs », affirme l’ingénieur qui souligne par exemple que chaque contremaître de l’entreprise de Saint-Tite travaille avec une tablette sur les chantiers. « Quand il y a des changements sur un plan, il peut le visualiser en temps réel. Plus besoin de dérouler les plans sur une table comme ça se fait encore beaucoup. »
Richard Champagne est bien placé aussi pour voir que le milieu de la construction change. C’est pourquoi il a choisi de faire de Thierry-Eliot Villeneuve son associé en vue qu’il prenne la relève dans un horizon à moyen terme. « Je voyais tous ces changements qui s’en venaient et je savais que je n’avais pas toutes les connaissances pour les traverser. Thierry a une formation et une maîtrise des technologies pas mal meilleure que moi. On a fait ces changements pour s’assurer que l’entreprise puisse continuer même quand j’aurai pris ma retraite », termine l’entrepreneur en construction de Saint-Tite.