Partir à la recherche des familles les plus vulnérables et isolées

Il y a un an se mettait en branle un grand chantier découlant d’une recommandation de la commission Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse. Le but: identifier et soutenir les familles les plus vulnérables et isolées au Québec. Le ministère de la Famille finance pendant trois ans deux projets pilotes dans Mékinac et Des Chenaux.

On cherche à évaluer les retombées du travail de proximité auprès de ces familles. Elles se ressentent déjà dans le milieu, selon la directrice générale de la Maison des familles Des Chenaux, Nadine D’Amours.

« Un des avantages qu’on a vus, c’est une augmentation du nombre de familles référées dans les organismes: au CIUSSS, à des centres de la petite enfance, à la médiation familiale. On a accompagné des familles pour qui ç’aurait été plus long avant qu’elles aient une réponse à leurs besoins parce qu’elles ne savaient pas vers qui se tourner. »

L’objectif des projets pilotes consiste à faire connaître les services existants et à faire le lien avec les familles à qui ils pourront bénéficier.

« Le mandat est d’aller rencontrer tous les partenaires qui risquent de rencontrer des familles avec des enfants de zéro à cinq ans. Je m’amuse à dire que c’est comme une agence de voyage mais pour les services du territoire. Tous les intervenants de la MRC qui ont eu la visite de Sabrina peuvent savoir ce qu’il y a comme service. Et si jamais ils ne savent pas, ils ont au moins une personne à qui se référer. »

Pour informer les familles ciblées de l’existence d’une travailleuse de proximité à leur disposition, la clé du succès réside dans l’implication.

« Les travailleuses se promènent dans les fêtes de quartier, les fêtes de la famille, les activités extérieures, Pour identifier les familles, pour leur faire connaître le service, il faut être partout où les familles sont. »

« J’essaie de m’impliquer dans les organismes, explique la travailleuse de proximité de la Maison des familles Mékinac, Amélie Bergeron. Pour l’aide alimentaire, je suis allée à plusieurs reprises au Carrefour Normandie pour aider quand ils reçoivent les denrées, quand ils font la distribution alimentaire. J’ai aussi travaillé à la friperie pour trier les vêtements. Être le plus présente possible, me faire connaître. »

Afin de faciliter la prise de contact, elle a créé sa page Facebook Amélie Bergeron Proximité.

Problématiques observées

Au cours de la première année de son mandat, Amélie a pu constater où l’aide est le plus utile.

« Je me rends compte qu’il y a vraiment beaucoup de besoins sur notre territoire: à l’aide alimentaire on a vu une forte augmentation des besoins, aussi au niveau de l’orthophonie, des services de garderie pour les jeunes enfants. Le Centre d’action bénévole Mékinac s’occupe de l’aide vestimentaire durant la période d’hiver. Là aussi, il y a une augmentation. »

« Des familles en contexte d’isolement ont un faible réseau social, complète Mme D’Amours de la Maison des familles Des Chenaux. Des familles se sentent marginalisées. Beaucoup de familles vivent en situation économique précaire. On voit aussi le besoin d’être rassuré sur les soins donnés aux enfants, l’encadrement et le développement des enfants. »

C’est grâce au lien de confiance qu’établissent et entretiennent les travailleuses de proximité que les familles s’ouvrent à l’aide disponible.

« Quand les familles nous appellent et veulent que Sabrina puisse aller les rencontrer, c’est plus facile d’accepter un service. Parfois pour ces familles en contexte de vulnérabilité, c’est dur d’aller vers les ressources. Elles sont un peu craintives, elles ont peur de se faire juger ou de se faire étiqueter, mais le fait d’avoir une intervenante neutre qui prend le temps de créer un lien de confiance, c’est plus facile pour elles d’être référées. »

« Comme c’est un projet pilote on veut démontrer que c’est un service qui peut perdurer, ajoute Mme Bergeron. C’est un bon filet de sécurité. »

Implication de l’UQTR

Une équipe de l’Université du Québec à Trois-Rivières, en collaboration avec l’Université du Québec en Outaouais, a reçu le mandat de soutenir les 50 organismes des 13 régions du Québec.

« On accompagne les travailleurs de proximité et les gestionnaires de ces organismes porteurs, explique le chercheur Carl Lacharité du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille de l’UQTR. C’est une nouvelle fonction, un nouveau rôle qu’ils introduisent dans leur organisation. »

L’équipe qu’il supervise produira un rapport d’évaluation à l’automne 2025.

« L’évaluation de l’ensemble de ces projets pilotes vise à documenter ce que les organismes vont avoir développé comme stratégies, comme actions. Ils essaient des choses, certaines fonctionnent bien, ils consolident des outils qu’ils ont mis en place. Le mandat de l’équipe d’évaluation c’est de dire qu’est-ce qu’on veut maintenir et déployer à plus grande échelle. On s’adresse au ministère de la Famille mais aussi au Conseil du trésor. L’autre mandat est de dire quelles sont les conditions organisationnelles et concertées dans un territoire qui doivent être mises en place si ce déploiement doit se faire et quelles sont les meilleures pratiques du travail de proximité. »

M. Lacharité est déjà frappé par le dévouement qu’il observe.

« L’engagement des organismes, des personnes, à faire en sorte de répondre aux besoin des familles qui se retrouvent isolées, c’est une forme d’engagement fantastique. Je trouve ça bon signe. »