La croissance heureuse des Bonnets Joy

SAINT-TITE. Depuis maintenant quelques semaines, Manon Lebel se consacre à temps plein à son entreprise Les Bonnets Joy. Ayant lancé son projet il y a 5 ans, l’entrepreneuse de Saint-Tite développe graduellement ses produits et son marché.

Dans le but de combler les besoins des femmes qui magasinent chez elle, Manon Lebel développe régulièrement de nouveaux produits.

« L’an passé, j’ai une cliente qui m’a dit que ses cheveux repoussaient. Après la chimio, parfois, ça frise. Elle voulait avoir quelque chose de plus léger. Avec ma mère, on a donc travaillé sur des bandeaux malléables avec un fil d’aluminium, pour même celles qui ont une perte de cheveux sur le dessus de la tête, pour pouvoir l’adapter. On a essayé avec des fils d’aluminium. J’en ai acheté plusieurs avant de trouver le bon », ricane-t-elle. C’est ainsi que le modèle du bandeau malléable est né.

L’entrepreneuse travaille également avec diverses matières afin que les bonnets puissent s’adapter selon les contextes. Par exemple, elle développe actuellement un bonnet de bambou, une matière idéale la nuit en temps plus froid. La femme d’affaires souhaite d’ailleurs suivre un cours de modiste afin de perfectionner son savoir-faire quant à la fabrication de chapeau pour femme, ce qui lui permettrait ultimement de créer des produits encore plus adaptés.

Depuis le lancement du site web plus tôt cette année, les ventes des Bonnets Joy s’effectuent à 50% en boutique et 50% en ligne selon la fondatrice. « La clientèle est principalement du Québec. On n’est pas sorti. Je veux vraiment solidifier ici. Puis on espère que ça va faire des petits, puis que ça va grossir. Ça pourrait être possible avec la plateforme en ligne maintenant ».

Rappelons que Manon Lebel faisait initialement carrière comme coiffeuse avant de lancer Les Bonnets Joy. Ayant des douleurs persistantes à l’épaule, en plus d’un épisode de pelade lors duquel elle a perdu l’ensemble de ses cheveux, elle a dû s’interroger sur son avenir en tant que coiffeuse.

« Je me suis dit: si je ne peux plus coiffer à temps plein, ce qui est ma passion et je traverse cet événement de vie (la pelade), alors comment je peux m’en servir pour aider les autres? ». C’est à partir de ce moment qu’elle a commencé à développer le concept des bandeaux avec extensions de cheveux.

Bien que Manon Lebel apprécie la collaboration auprès de couturières en sous-traitance pour la fabrication des bonnets, son rêve à long terme serait d’ouvrir un local dans lequel elle pourrait rapatrier sa production.

« À long terme, je veux vraiment un local pour diminuer les coûts de production. Chaque intermédiaire, chaque personne qui rentre en ligne de compte, c’est une cote. J’aimerais pouvoir avoir un local peut-être avec l’équipement nécessaire et avoir assez de commandes et tout ça pour avoir quelqu’un à temps plein ». 

Depuis le lancement de sa compagnie, la Saint-Titienne reconnait l’aide qu’elle a eue des gens autour d’elle. Que ce soit sa mère dans le quotidien de l’entreprise, son amie d’enfance Jacinthe Ayotte pour les aspects plus administratifs et de connaissances en couture, ou encore, Luc Vincent qui lui a permis de faire des premières ventes en ligne via son site web, l’entrepreneuse est bien entourée. 

Points de vente en croissance

Lors des débuts de Bonnets Joy, Manon Lebel vendait les bandeaux directement au salon de coiffure où elle travaillait. La pandémie ayant complexifié la rencontre avec les clientes, cela a convaincu la femme d’installer entièrement ses produits chez elle.

Depuis ce temps, plusieurs points de vente se sont ajoutés à la liste. « Je tiens à ce que ce soit des endroits où il y a un soutien et que les femmes seront comprises. Donc, c’est un peu plus complexe », explique Manon Lebel. Ainsi, trouver des lieux propices à la vente de bonnets n’est pas chose simple.

« Au Centre du Sein de Shawinigan, les filles qui travaillent là, elles ont toutes eu le cancer du sein. Elles sont vraiment géniales. Par exemple, elles m’ont emmenée à la source pour rencontrer des femmes. J’ai assisté à des cafés-rencontres parce que ça me permet d’évaluer les besoins. Je comprends aussi la différence d’arriver là, versus dans un salon de coiffure », témoigne-t-elle.

Par conséquent, l’entreprise compte désormais plusieurs points de vente à travers le Québec s’étant ajouté au premier pignon sur rue de Saint-Tite. On note, entre autres, la Boutique Belles de nuit, Belles de jour, ainsi que l’Hôpital Sainte-Marie de Trois-Rivières, le Centre du Sein Le Ruban Rose de Shawinigan, en plus de points de vente à Rimouski et Sherbrooke.

Les humaines avant tout

La fondatrice des Bonnets Joy raconte que l’expérience des clientes débute d’abord par la prise d’un rendez-vous.

« 90 % des femmes ne viennent pas seules. Elle sont soit accompagnées de leur fille, leur mère, une amie. Il y en a qui arrivent déjà émotives, mais habituellement, quand elles arrivent ici, elles sont décidées. Elles savent et c’est assumé qu’elles vont perdre leurs cheveux ».

« La semaine passée, une femme a essayé les bonnets en premier pour voir ce qu’elle aimait comme couleur, mais elle n’avait pas mis la mèche de cheveux. Ensuite, elle a mis la frange brune, une que j’ai en démo, puis c’était exactement la couleur de cheveux qu’elle avait avant. Quand elle l’a mise, elle s’est mise à pleurer puis elle a dit,  »c’est moi » ».

Comme le relève la Saint-Titienne, les femmes entretiennent un lien unique avec leurs cheveux, tout particulièrement lorsqu’elles sont confrontées à les perdre.

« Je les ai perdus mes cheveux, donc les femmes qui viennent, je sais que j’ai leur confiance, puis je peux les comprendre. Je veux dire, ma vie n’était pas en jeu, moi, à ce moment-là, mais ma féminité, oui. Il y a quelque chose associé aux cheveux », souligne-t-elle.

Parmi ses rencontres marquantes, l’entrepreneuse soulève avoir eu la chance de côtoyer madame Louise Garceau l’an dernier alors qu’elle était hébergée à la Maison Aline-Chrétien de Shawinigan. Recevant des soins palliatifs, madame Garceau portait un bonnet Joy prêté au centre d’hébergement. Les deux femmes ont ainsi pris contact. « Elle m’a laissé entrer dans sa bulle. Puis ça m’a tellement fait de bien parce que la mort, ça nous fait toute peur. Puis pour elle, ça faisait partie de la vie ».

Manon Lebel soutient finalement que les montagnes russes d’émotions sont inévitables dans son travail. « Finalement, c’est à travers les émotions fortes qu’on trouve un sens à tout ça. Je me dis que si je peux faire la différence dans la vie d’une personne dans ma journée, ça va être mission accomplie ».