La «rhétorique violente» en hausse depuis l’attaque du 7 octobre, selon le SCRS

OTTAWA — La guerre entre Israël et le Hamas a donné lieu à une recrudescence de la «rhétorique violente» de la part d’«acteurs extrémistes», qui pourrait inciter certains au Canada à se tourner vers la violence, prévient le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Cette mise en garde survient alors que des documents récemment publiés illustrent les discussions de l’automne dernier entre l’agence de renseignement, le ministère fédéral de la Sécurité publique et les dirigeants musulmans et juifs sur l’augmentation signalée des crimes haineux provoqués par le conflit.

Le porte-parole Eric Balsam a souligné qu’au-delà des effets à long terme difficiles à prévoir à ce point-ci, le conflit a manifestement «accru les tensions» au Canada.

Il a ajouté que la «rhétorique violente de certains acteurs extrémistes» avait augmenté depuis que la guerre a éclaté, ce qui pourrait influencer «certains individus à se tourner vers la violence» à mesure que le conflit se poursuit.

Le rôle de l’agence est de surveiller et d’identifier toute menace et d’alerter le gouvernement. Cela n’inclut pas les manifestations et la dissidence légales, qui sont protégées par la Charte des droits et libertés, a précisé M. Balsam.

Les documents divulgués à La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information détaillent les résumés des discussions que les responsables fédéraux ont eues séparément avec les dirigeants juifs et musulmans au sujet des perturbations en cours au Canada.

L’un de ces documents indique que les représentants du SCRS «ont assuré à tous les participants qu’ils continueraient à surveiller les menaces et à rechercher des preuves d’attaques planifiées».

L’agence demeure en pourparlers avec les dirigeants des communautés musulmanes et juives pour entendre leurs préoccupations, a assuré M. Balsam. 

Inquiétudes des groupes musulmans

Au cours de leurs réunions, les responsables fédéraux ont entendu les dirigeants musulmans et arabes s’inquiéter du discours public autour de la guerre, notamment de ce qu’un participant a estimé être un «silence» de la part du gouvernement sur l’impact que la situation au Moyen-Orient aurait sur la sécurité des Palestiniens et d’autres musulmans vivant au Canada.

Des inquiétudes ont également été soulevées concernant la liberté d’expression.

«Les militants subissent des réactions négatives, sont qualifiés d’antisémites et font face à diverses conséquences pour avoir crié des slogans tels que « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre », ainsi que pour avoir appelé à « l’intifada »», peut-on lire.

En arabe, intifada est un mot qui signifie notamment se débarrasser de l’oppression. En anglais, il est le plus souvent associé à deux périodes d’une intensité particulière dans le conflit israélo-palestinien, qui comprenaient une série d’attaques perpétrées par des groupes terroristes palestiniens contre des lieux publics en Israël.

Les dirigeants communautaires ont également déclaré aux autorités que les militants étaient «fortement surveillés» et que «leur droit à la liberté d’expression était étouffé», indique la note.

Des courriels internes envoyés au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Mike Duheme, également obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information, montrent des agents enregistrant les chants et les slogans lors de ce qui a été présenté comme une manifestation propalestinienne organisée à Toronto fin octobre.

«C’est toujours légal et cela ne donne pas l’impression de passer à la violence», a écrit le sous-commissaire Mark Flynn.

Les dirigeants juifs contre la rhétorique haineuse

Les dirigeants juifs, ainsi que le premier ministre Justin Trudeau et d’autres, ont dénoncé les exemples de manifestants glorifiant l’attaque du Hamas le 7 octobre contre le sud d’Israël lors de manifestations dans des villes à travers le Canada.

L’un de ces incidents fait toujours l’objet d’une enquête de la police d’Ottawa.

Les documents soulignent comment les responsables fédéraux ont constamment entendu les dirigeants juifs parler de la nécessité pour la police de prendre davantage de mesures pour mettre fin à «la rhétorique haineuse exprimée lors des rassemblements». On souligne spécifiquement l’utilisation du terme «sioniste».

«Comme une écrasante majorité de Juifs s’identifient comme sionistes et croient en la nécessité d’un État juif (…), les appels à des attaques contre les sionistes devraient être considérés comme des appels à des attaques contre les Juifs.»

La note indique que la GRC équipe ses membres de première ligne d’une «trousse à outils» expliquant le contexte historique du conflit pour aider les agents à «identifier les signes de haine ouverte et cachée qui peuvent être observés lors des manifestations».

La police nationale a également encouragé la police locale à prêter attention aux entreprises et aux écoles appartenant à des Juifs, et pas seulement aux synagogues et aux centres communautaires, selon un résumé daté du 29 novembre.

Situation des universités

Les documents indiquent également que Sécurité publique Canada contacterait les universités «pour discuter de l’atténuation des tensions croissantes et de l’antisémitisme sur les campus». Ils ont précisé plus tard que le ministère transmettait des informations aux écoles «sur l’environnement de menace actuel».

Dans les mois qui ont suivi, des manifestants ont installé des campements propalestiniens à l’Université McGill, à l’Université d’Ottawa, à l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver et, plus récemment, à l’Université de Toronto.

Les administrateurs universitaires affirment que la haine ne sera pas tolérée, avertissant que les étudiants seront punis s’ils ne respectent pas la politique de l’université.