Des femmes qui ont fui les nazis réfléchissent à la guerre au Moyen-Orient

Suzanne Weiss pense aux jeunes enfants orphelins de Gaza.

La résidante de Toronto, âgée de 83 ans, se souvient clairement de la terreur qu’elle a ressentie en tant que jeune fille, lorsqu’elle était cachée des nazis par un groupe de résistance juive dans la campagne française pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Sa mère l’avait confiée à d’autres et est décédée au camp de concentration d’Auschwitz quand Mme Weiss avait trois ans.

«On se souvient de comment on était enfant (…) donc je peux m’identifier aux enfants même si j’ai 83 ans maintenant», a confié Mme Weiss dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

«Les enfants palestiniens qui souffrent perdent leur enfance… La plupart d’entre eux perdent leur famille, leurs amis.»

Alors que le monde soulignera samedi la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, Mme Weiss affirme que la guerre actuelle entre Israël et le Hamas la fait réfléchir aux effets durables des traumatismes, en particulier sur les enfants.

«Beaucoup d’enfants sont morts pendant l’Holocauste. J’ai failli perdre la vie. Le traumatisme est indescriptible. C’est inimaginable», a-t-elle soutenu.

La Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste marque l’anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau, le camp d’extermination nazi le plus célèbre.

Les nazis ont assassiné six millions de Juifs en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale. Israël, fondé en 1948, s’est relevé au lendemain de ce génocide.

À un moment où Mme Weiss pense aux forces collectives qui l’ont sauvée ainsi que d’innombrables autres, elle pense qu’il est important que le monde tire les leçons du passé.

«C’est la solidarité de nombreux individus et de toute une communauté qui croyait en l’humanité qui m’a sauvée», a-t-elle relaté.

Regarder vers l’avenir

Mme Weiss, qui est née à Paris, dit avoir passé cinq ans dans un orphelinat juif après la Deuxième Guerre mondiale et avoir été adoptée à l’âge de neuf ans par une famille juive de New York. Elle est arrivée au Canada avec son mari dans les années 1980.

«Dans les orphelinats, on nous a appris que maintenant que la guerre est terminée, nous devons regarder vers l’avenir. Nous devons tous être conscients de l’amour, de la fraternité et de la sororité et que ce que nous voulons, c’est vivre dans la paix et l’égalité», a-t-elle témoigné.

«C’est ainsi que le monde devrait vivre. C’est ce vers quoi nous devrions aspirer.»

Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré que plus de 25 700 personnes ont été tuées et 63 000 autres blessées dans l’enclave palestinienne depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, lorsque des militants du Hamas de Gaza ont tué environ 1200 personnes lors d’une incursion dans le sud d’Israël et ont pris environ 250 otages, dont des enfants.

Mme Weiss voudrait que les combats cessent et que l’aide parvienne facilement aux habitants de Gaza. Elle soutient également le mouvement BDS, qui appelle au boycottage et aux sanctions contre Israël.

Elle espère également que le flot d’informations sur la guerre –  la diffusion en direct, les réseaux sociaux et les mises à jour constantes – augmentera la prise de conscience des souffrances intenses causées par la guerre.

«Une tragédie humaine, des deux côtés»

Tova Clark, qui avait un an lorsque sa famille a fui l’Allemagne nazie, suit de près les développements en Israël et à Gaza.

La résidente d’Ottawa a affirmé que sa famille s’était retrouvée à Shanghai après avoir été rejetée par plusieurs pays en tant que réfugiée juive. Ils ont ensuite déménagé en Israël, où Mme Clark a vécu de neuf à 21 ans. Après avoir terminé son service militaire, elle a rencontré son mari – un Canadien – et a ensuite passé des décennies en tant qu’épouse de diplomate, vivant dans des pays du monde entier.

Lorsqu’elle parle des attaques du Hamas du 7 octobre, elle les relie à l’expérience du peuple juif dans l’Allemagne d’avant-guerre.

«Ils ne pouvaient pas imaginer ce qui allait se passer. Cela dépassait l’imagination humaine, a-t-elle expliqué. Mais ce qui s’est passé est une véritable tragédie humaine, des deux côtés.»

Elle dit qu’elle regarde toujours les nouvelles, même si cela devient parfois trop intense et qu’elle doit les éteindre.

«On ne peut pas ne pas être impliqué», a-t-elle affirmé.

«Mais grâce à mon expérience, ayant vécu dans tant de pays différents, j’ai élargi mes horizons et je peux comprendre la souffrance de l’autre côté.»

La complexité de la situation n’est pas toujours pleinement représentée, dit-elle, et les gens ont tendance à simplifier les problèmes.

Le Hamas a juré d’anéantir Israël et est responsable de nombreux attentats-suicides et autres attaques meurtrières contre des civils et des soldats israéliens.

Mme Clark a déclaré qu’elle ne croyait pas «un seul instant» que ce groupe, qui a pris le contrôle de Gaza en 2007, représente tous les Palestiniens.

Elle a également déclaré qu’elle pensait que s’il existait un autre moyen de vaincre le Hamas, «je pense qu’Israël le ferait».

Un multiculturalisme en érosion?

La situation a désormais durci les positions des deux côtés, selon elle.

«Le multiculturalisme au Canada est manifeste depuis de nombreuses années. Je pense que c’est une chose merveilleuse, merveilleuse et peut-être qu’elle s’érode maintenant», a-t-elle avancé.

Mme Clark a dit qu’on lui avait dit qu’elle devrait retirer la menorah de la fenêtre de son salon. «J’ai dit non, c’est mon acte de défi.»

En fin de compte, a-t-elle déclaré, un État palestinien est «très souhaitable», mais la question est de savoir si cela est réalisable.

«Il y a deux côtés et ils ont tous deux raison. Alors, comment résoudre ce problème.»

«Israël a une histoire, le peuple juif, l’Holocauste, le sionisme, la nation naissante, comment ils ont dû se battre pour tout. Ils ont donc raison, le peuple juif veut son propre État», a-t-elle indiqué.

«Et les Palestiniens aussi. Ils veulent aussi leur propre État (…) Je comprends parfaitement cela, et beaucoup de gens en Israël le comprennent.»