Éoliennes de TES Canada dans Des Chenaux: la population reste à convaincre
SAINT-NARCISSE. Les citoyens de la MRC Des Chenaux ne se sont pas gênés pour dire aux dirigeants et experts de TES Canada que leur projet ne rencontrait pas les critères d’acceptabilité sociale, mardi soir au Centre communautaire Henri-St-Arnaud de Saint-Narcisse.
Le président et chef de la direction de TES Canada, Éric Gauthier, ne s’est pas laissé démonter pour autant.
« On va essayer de vous convaincre, c’est évident, c’est pour ça qu’on est ici. On va essayer de changer le projet, on va essayer de l’améliorer et de vous démontrer qu’on a fait l’effort de minimiser les impacts. Il y en aura un projet, on ne s’en sortira pas. »
La période de questions, encadrée par la firme de communications Tact, a vu défiler certains citoyens qui suivent le dossier de près depuis le début, des habitués des séances publiques des conseils municipaux et des conseils des maires des deux MRC et même quelques-uns qui avaient assisté la veille à la séance à la salle Aubin de Sainte-Thècle.
Les sujets de la distance projetée entre les éoliennes et les résidences, du bruit des éoliennes, de la perte de valeur des terrains et des maisons, du modèle d’affaires de la compagnie et de la rentabilité du projet sont revenus à quelques occasions au cours de la soirée.
Cette rencontre aura permis d’apprendre que TES publiera la semaine prochaine un avis de projet et ouvrira très prochainement un bureau où les citoyens pourront s’informer davantage.
« On a trouvé un local à Shawinigan pour pouvoir montrer le plan du projet, montrer l’implantation des éoliennes, où elles seront, pouvoir écouter le son des éoliennes à 40 dB, à 60 dB, à 30 dB. Dès la semaine prochaine on prévoit déposer au ministère un avis de projet qui déclenche le processus du BAPE. On a une étude environnementale à faire qui va durer toute l’année puis en 2025 il y aura les audiences publiques. »
La majorité des maires et mairesses des municipalités de la MRC Des Chenaux assistaient à la séance. Des conseillères municipales ont même pris la parole pour poser des questions, comme Chloé Germain-Thérien de Saint-Stanislas qui s’inquiète du démantèlement éventuel des éoliennes, qu’il ait lieu en fin de projet ou à cause d’un abandon de celui-ci.
« Si vous faites faillite, qu’est-ce qui va arriver avec les éoliennes? »
« Dans le permis qu’on va recevoir, il va y avoir une obligation de mettre en place de l’argent pour les enlever, a répondu Éric Gauthier. Ça fait partie de tous les projets au Québec, récents, ça fait partie des conditions: on doit mettre des sous de côté. C’est le gouvernement qui détermine ça. Si à l’année 10, on fait faillite ou on part, ces fonds-là sont en fidéicommis. »
La cheffe de Climat Québec, Martine Ouellet, ingénieure de formation et ancienne ministre des Ressources naturelles du Québec, participait à une troisième rencontre dans Mékinac-Des Chenaux. Elle remet en question la pertinence de l’hydrogène vert et l’impact qu’aura le projet sur la décarbonation.
« Les marchés que vous visez sont des marchés que vous ne détaillez pas, qui sont théoriques et qui ne sont pas économiquement rentables. Ça ne tient pas du tout la route. »
« Au Québec on n’en a pas d’hydrogène dans le transport, a convenu M. Gauthier. Par contre on en a en Alberta, en Californie, dans le nord-est des États-Unis. On a trois partenaires parmi les plus grandes flottes au Québec qui ont commandé des camions qu’ils vont recevoir en 2026. Avant leur mise en opération ils vont se procurer cet hydrogène-là d’autres joueurs parce qu’on en fait au Québec à plus petit volume. Ce sont des technologies qui existent, qui vont être mises en place dans les prochaines années et on a des partenariats pour le faire. »
« TES Canada c’est un projet d’hydrogène « vert » entre guillemets, a élaboré Mme Ouellet en entrevue à l’Hebdo. Mais l’hydrogène, pourquoi? Du transport par camion? Ça n’existe pas. Pour mettre ça dans le réseau d’Énergir? C’est tellement cher qu’il n’y a aucune industrie qui va acheter ça. L’hydrogène dans l’équation énergétique c’est absurde parce qu’il y a tellement de pertes énergétiques. Mettre 800 mégawatts d’éoliennes avec 150 mégawatts de contrat avec Hydro, ça non plus ça ne tient pas la route parce que des éoliennes c’est intermittent. Il manque des morceaux qu’ils ne nous disent pas. Et dans des territoires habités, c’est une absurdité environnementale. »
« Du gaz naturel renouvelable on en fait déjà au Québec à partir de biométhanisation de déchets et il y a des projets ici, d’ailleurs, a souligné M. Gauthier. Dans notre cas ce sont des volumes beaucoup plus importants. On a eu des discussions avec plusieurs des grosses industries autour du Lac Saint-Jean, dans les mines et métaux, dans les transformations de métaux. L’hydrogène nécessitait des investissements pour changer des brûleurs, changer et mettre en place des procédés pour recevoir l’hydrogène soit par camions soit par tuyaux. On avait une incapacité de convaincre ces joueurs-là de faire ces investissements-là. Pour eux, ce n’était pas le montant mais le côté opérationnel. On a réussi à les exciter là-dessus, on a des discussions avec eux, avec Énergir qui achète notre gaz naturel et ce gaz-là physiquement part de Shawinigan et se rend en aval autour du Lac Saint-Jean où à peu près 50 % des volumes de gaz naturel au Québec sont concentrés. »
Retour à la table à dessin
À plusieurs reprises, M. Gauthier a assuré aux citoyens que le projet continue d’être révisé dans le but de s’approcher de ce qui pourrait être plus acceptable pour la population.
Un résident de Saint-Maurice se désole que l’usine s’implante à Shawinigan mais que les éoliennes soient installées dans les MRC voisines.
« On regarde pour mettre des éoliennes aussi à Shawinigan, a laissé tomber M. Gauthier. On regarde toutes les options, au niveau de la 55, on regarde vers le nord, il y a plein de permutations possibles. On essaie de les placer à des endroits stratégiques. Il n’y a rien qui est écarté, mais on ne peut pas aller du côté ouest de la rivière Saint-Maurice. Au point de vue géographique on a une certaine limitation. »
Une autre citoyenne de Saint-Maurice a reproché à TES de causer du stress dans la communauté et a demandé: « Pourquoi vous venez nous imposer des éoliennes dans des milieux habités? Pourquoi vous ne pouvez pas en mettre près des barrages, sur le bord de l’eau, dans des montagnes où ça ne dérangera personne? »
« On est sensible aux rencontres comme celles qu’on a ce soir ou hier, a affirmé M. Gauthier. On a fait cette analyse-là et on va la refaire compte tenu de ce qu’on a comme feedback. Une chose à laquelle je m’engage c’est qu’on va retourner à la table à dessin voir est-ce qu’il y a vraiment nulle part d’autre qu’on peut le faire. Je vous garantis qu’on va revenir avec une analyse. »
La préoccupation du bruit produit par les éoliennes a été soulevée par un résident de Saint-Adelphe: « Au nom de quoi je devrais accepter que tout d’un coup dans mon environnement il y ait un bruit mécanique, toujours le même, continuel, que je devrai endurer? »
« La réglementation fait en sorte qu’on doit absolument s’assurer que quand le son arrive à la résidence ça ne soit pas plus que 40 dB, a expliqué Carole Barbeau, gestionnaire de projets en énergies renouvelables. On n’a pas le choix. On fait des simulations pour s’assurer de ça. On est dans le trouble si on n’est pas capable: on va être obligé de réduire la vitesse de l’éolienne pour amenuiser le son. On ne veut pas ça parce qu’une éolienne de sept mégawatts, on veut bien qu’elle produise ce qu’elle peut produire. Mais 40 dB c’est le niveau de son dans un secteur résidentiel la nuit. »
« On va essayer d’être à un kilomètre (de distance) dans la plupart des cas, a précisé M. Gauthier. On va toujours aller à la zone avec le moins d’impact. On ne sera jamais à 40 dB parce qu’on est trop proche de cette limite-là qui fait en sorte qu’on a un risque de devoir enlever l’éolienne si on n’est pas capable de respecter ça. »
« En mai on va être capable de donner des indications beaucoup plus précises, a-t-il ajouté. Sur les cartes il y a bien plus de zones construisibles jaunes qu’il y a d’emplacements potentiels pour des éoliennes. Des le mois de mai on va réduire ça de façon très importante. On va aussi donner un nombre, avec une marge d’erreur, par municipalité, où on pense qu’on peut aller. »
La séance de près de deux heures et demie s’est déroulée de façon plutôt respectueuse, même si l’ambiance était par moments quelque peu tendue, particulièrement en fin de rencontre lorsqu’un citoyen s’est laissé emporter par ses émotions en formulant la première des deux questions qu’on lui permettait de poser.
S’il y a un point sur lequel s’entendent la population et TES Canada, c’est de vouloir organiser d’autres rencontres d’informations comme celles de cette semaine. Entre-temps, les séances publiques des conseils municipaux et des conseils des maires des MRC continueront de susciter l’intérêt des résidents. Les deux MRC s’engagent dans des voies différentes pour encadrer le projet: un règlement de contrôle intérimaire dans Mékinac et une modification du schéma d’aménagement dans Des Chenaux.