Des oeuvres en quête de couleurs
ARTS VISUELS. Et si les couleurs avaient disparu et que le monde se présentait comme une immense feuille blanche? C’est la prémisse de l’exposition jeunesse produite par le Centre d’exposition Raymond-Lasnier à Trois-Rivières. Le talent des artistes Ève Tellier-Bédard, Valérie Morrissette et Geneviève Baril a été mis à contribution. Ces dernières ont créé une œuvre chacune dans cette exposition.
Au fil de l’exposition d’art contemporain, le visiteur est amené à découvrir les fleurs, l’arbre, le jardin, la maison, le coucher de soleil et le ciel étoilé dont les couleurs sont manquantes et à leur redonner des couleurs.
Ève Tellier-Bédard a hérité de la création de l’œuvre des fleurs, une continuité avec sa démarche artistique qui comporte naturellement beaucoup d’éléments botaniques.
«Quand j’ai commencé à travailler sur l’œuvre, je ne suis pas allée voir de fleurs réelles pour m’en inspirer. J’ai fait abstraction de ce qui existe déjà et j’en ai inventé. Des parties des fleurs pourront être colorées par les visiteurs. J’ai travaillé directement à partir de la tablette électronique pour créer les fleurs, plutôt que de numériser l’œuvre, tel que je prévoyais le faire initialement», explique l’artiste de Sainte-Thècle.
Pour sa part, Valérie Morrissette propose une installation de grand format représentant un arbre, à l’horizontale, sur lequel on retrouve des branches et des racines à la fois au sommet et à la base de l’arbre. L’œuvre consiste en 16 arbres d’acier superposés, de sorte que l’œuvre a un format de 4 pieds par 8 pieds par 4 pieds de profondeur.
«C’est une grosse pièce et même si c’est une commande, les filles du Centre d’exposition Raymond-Lasnier ont fait attention pour que les œuvres soient en lien avec notre pratique. Je fais beaucoup d’œuvres sculpturales, d’estampe et de sérigraphie. Les enfants pourront disposer des feuilles de tissu dans l’arbre blanc acier», précise-t-elle.
L’artiste originaire de Champlain a fabriqué 250 feuilles dans des tissus aux différents motifs et dans les teintes orangées et vertes. Elles ont toutes été découpées et cousues à la main. «Ça devient très méditatif. J’ai pu utiliser des tissus récupérés qui m’ont été offerts par une autre artiste. Comme c’est du tissu de recouvrement, c’est une belle qualité et ce sera plus durable», poursuit-elle.
Le défi était plus technique dans ce projet-ci. C’est que l’exposition Colorier, colorer, couleurer se promènera dans plusieurs autres centres d’exposition au cours des prochaines années. Ainsi, les œuvres doivent être durables dans le temps.
Ça n’a pas empêché Geneviève Baril, de Champlain, d’utiliser la céramique pour confectionner les légumes, tous uniques, de l’œuvre du jardin.
«La fragilité fait aussi partie de ma démarche, indique-t-elle. Les pièces sont toutefois cuites à des températures très hautes, de sorte que ça les rend assez solides. Les enfants pourront prendre un bâton, y déposer la pièce de céramique et la planter dans la structure du jardin.»
Au-dessus du jardin seront suspendues 1500 semences en porcelaine. «La répétition et l’accumulation d’une même matière à des milliers d’exemplaires font partie de ma démarche. Quand elles sont toutes regroupées, elles deviennent un nouveau tout, comme si l’individualité n’était plus là. Ces petites pièces vont rester blanches et on ne pourra pas y toucher, contrairement aux légumes de céramiques», souligne Geneviève Baril.
Les artistes ont eu à travailler avec l’histoire originale comme ligne directrice pour leur œuvre.
«J’ai trouvé ça intéressant de travailler avec une contrainte, confie Ève Tellier-Bédard. Forcément, ça imprègne ma démarche d’une certaine façon. Je n’avais pas encore réussi à intégrer l’art numérique dans ma démarche personnelle et j’ai eu l’occasion de le faire pour cette exposition. Ça nous fait cheminer comme artiste.»
«C’est un projet en l’œuvre de commande et de création. Les balises étaient serrées : ça devait être blanc pour que ça fonctionne avec l’histoire et que ce soit manipulable. Au début, ça me faisait peur de m’y conforme tout en restant créative et rester dans l’art contemporain. C’est une dimension intéressante, mais me positionner face à ça a été plus complexe. Je suis contente du résultat. J’ai hâte de voir mon œuvre réunie avec les autres», ajoute Valérie Morrissette.
«Je travaille déjà beaucoup avec le blanc. Le concept de base m’a allumée. Même si c’était une commande, on avait une belle liberté dans le processus. Et puis, on a toujours des contraintes, quel que soit le projet. Ça nous fait sortir de notre zone de confort, nous fait voir les choses autrement», conclut Geneviève Baril.
L’exposition Colorier, colorer, couleurer est présentée du 24 novembre au 19 janvier au Centre d’exposition Raymond-Lasnier de Trois-Rivières. Un vernissage familial est prévu le 23 novembre à 14h.
Il s’agira de la seule exposition d’Ève Tellier-Bédard cette année. Quant à Valérie Morrissette, elle travaille sur un projet collectif pour les 40 ans de l’Atelier Presse Papier, qui sera présenté à la Galerie d’art du Parc de Trois-Rivières. Geneviève Baril reviendra au Centre d’exposition Raymond Lasnier dans une exposition solo en 2021. Entre temps, elle fera une résidence d’artiste au Centre SAGAMIE, à Alma, en 2020.