René Brouillette: barbier depuis 56 ans

SAINT-TITE. Il a débuté quand la coupe Beatles commençait à se démoder; taillé les cheveux des hippies; entretenu les favoris à la Elvis; coiffé les têtes peroxydées des années ’80; rasé les cocos à la Bruce Willis.

Le barbier René Brouillette joue dans la tête des hommes depuis 56 ans…

Son père et l’un de ses frères étaient mesureurs de bois  dans les chantiers pour la Consol mais la vie avait un autre destin pour le jeune adolescent de Saint-Tite. «J’étais petit et je rêvais déjà d’être barbier», raconte l’homme de 75 ans qui a vécu son baptême professionnel le 3 juillet 1965.

Pour apprendre son métier, René Brouillette a été formé par les meilleurs professeurs de l’époque. «J’ai étudié à l’école de barbier Moreau à Montréal. C’était une école privée, la meilleure de la province», se souvient celui qui préfère l’appellation barbier à coiffeur.

À 75¢ du client, le jeune Brouillette pouvait en passer une dizaine par jour, six jours par semaine, de 8h le matin à 18h le soir. Presque un régime militaire se souvient-il. «C’était la moitié du prix que ça coûtait dans les vrais salons de barbier.» L’école Moreau avait une façon particulière de faire savoir aux élèves qu’ils étaient prêts à entrer sur le marché du travail. «Il y avait 27 chaises pour les clients. Tu commençais par la première et à mesure que tu t’améliorais, tu passais à la suivante. La 27e était sur le bord de la porte», s’exclame-t-il en riant de bon cœur.

Il débute en 1965 en travaillant pour un M. Lampron à Grand-Mère qui compte alors 25 salons de barbier.  «Il y avait de la job pour tout le monde», se rappelle-t-il. À l’époque, les barbiers faisaient leurs premiers pas dans la profession en gagnant 28$ par semaine. Un jeune apprenti devait travailler trois ans dans un salon avant de pouvoir s’établir à son propre compte. «En sortant de l’école, tu passais un examen en coupant les cheveux d’un client. Là, un représentant du comité paritaire évaluait le résultat et pouvait te donner un crédit de quelques mois qui raccourcissait ta probation de trois ans.»

C’est en 1975 que René Brouillette vient s’établir dans sa ville natale, en ouvrant un salon dans la maison familiale sur la rue Notre-Dame. «Les trois premiers mois n’ont pas été faciles, car on était cinq barbiers à Saint-Tite mais j’ai travaillé fort. J’ai toujours mis à jour mes connaissances. Je participais à deux congrès par année et je me tenais au courant des modes.»

L’hygiène et l’entregent

Les deux qualités essentielles à un barbier selon lui sont l’hygiène et l’entregent. «J’ai toujours travaillé avec un stérilisateur pour nettoyer mes outils entre deux clients», souligne René Brouillette. «Avec la COVID, c’est redevenu obligatoire dans les salons, mais moi, ça fait 56 ans que je fais ça.»

Et l’entregent, c’est une seconde nature chez lui. «Ça, tu l’as ou tu ne l’as pas. J’ai une facilité à parler aux gens, mais il faut savoir quand et comment. Des fois, tu coupes les cheveux d’un homme qui vient de perdre sa femme. Il faut savoir trouver les bons mots. Aux Fêtes l’an dernier, un de mes clients est venu se faire couper les cheveux une dernière fois. Il avait demandé l’aide médiale à mourir pour le début janvier. Ce n’était pas facile, mais je lui ai souhaité bon voyage.»

Et le plus beau compliment qu’on puisse lui faire? «Il y a des gars que tu vois arriver dans la porte et que tu te dis:  »Lui, je vais lui changer sa coupe de cheveux ». Tu lui demandes:  »Tu me fais confiance? » Et quelques jours plus tard, il te rappelle en te disant: « Merci René. Ma femme est assez contente »», termine le sympathique barbier de Saint-Tite.