Ma cabane scandinave au Canada

NOTRE-DAME–DU-MONT-CARMEL. Un compas, un écorceur, un rabot, une plane et une scie à chaîne. Voilà l’essentiel des outils utilisés par les frères ­Charles et ­Sébastien ­Gagnon pour construire des maisons en bois ronds selon la méthode scandinave.

À ­Notre-Dame-­du-Mont-Carmel, un grand carré de maison en bois ronds haut de huit imposantes billes de pin blanc trône majestueusement au milieu d’une clairière. «  ­Celle-là, elle s’en va dans quelques semaines à la station de ski ­Massif du ­Sud  », lance ­Charles ­Gagnon, un ingénieur en informatique qui a vendu récemment son entreprise à ­Québec pour se consacrer à plein temps dans ce projet familial.

«  ­Les maisons en bois ronds, c’est une maladie mentale chez moi. C’est la passion de notre vie depuis qu’on est tout petit. Notre famille a toujours eu des chalets en bois ronds  », ­raconte-t-il au côté de son jeune frère qui a délaissé pour sa part un emploi bien rémunéré à l’ABI. «  J’en avais assez d’avoir un toit ­au-dessus de la tête  », explique le ­Shawiniganais en riant.

Alors que les maisons canadiennes – la fameuse ­Cabane au ­Canada – sont traditionnellement construites avec des billots de 8 à 10 pouces de diamètre, celles dites scandinaves sont assemblées avec des billes de 16 à 17 pouces provenant d’arbres de plus de 80 ans. Avec un isolant de ­R1,5 au pouce, ces murs en bois ronds procurent une isolation équivalente à près de ­R25 à l’intérieur.

Construites entièrement à la main par les deux charpentiers, leurs maisons sont en fait de véritables pièces d’artisanat grandeur nature. Chacun des arbres est soigneusement choisi en forêt en fonction du projet à réaliser, soit à ­Notre-Dame-­du-Carmel ou à L’Assomption sur une terre louée.

Dépouillés de leur écorce, ils sont ensuite un à un tracés au compas afin de rendre miroir la surface du haut avec celle d’en bas, de façon ce qu’ils se marient parfaitement une fois que les parties excédentaires ont été retirées avec un rabot et une plane. Pour les travaux plus robustes, les deux frères utilisent une scie à chaîne qu’ils manipulent désormais comme un scalpel de chirurgien.

«  ­La scie, c’est rendue comme une continuité de ma main  », lance ­Sébastien qui se définit comme le patron du chantier. «  ­Ma formation d’ingénieur fait je suis porté à travailler sur la vision de l’entreprise et le développement des affaires tandis que ­Sébastien est imbattable sur l’exécution. Sur le chantier, je suis ses instructions  », complimente ­Charles.

Une entreprise familiale et artisanale

Les frères ­Gagnon prendront près de 12 semaines pour compléter un carré de maison d’environ 30 pieds par 30 pieds. La structure sera ensuite démontée en prenant soin de numéroter chaque pièce. Chacune d’elle sera ensuite sablée pour lui redonner son lustre. Transportées chez le client, les différentes pièces sont ensuite réassemblées comme un bloc ­Lego. «  Ça nous prend de quatre à cinq jours pour la remonter  », explique ­Charles.

Groupe ­Tucson – du nom du bouvier bernois de ­Sébastien – entend garder son caractère artisanal. «  ­Idéalement, avec deux autres employés, on serait capable de construire de quatre à cinq maisons scandinaves par année. On ne cherche pas à faire du volume, on veut garder le caractère familial de l’entreprise. On les aime tellement nos maisons que lorsqu’on retourne chez nos clients, on a l’impression d’arriver chez nous  », mentionne l’ingénieur en informatique.

Comme les frères ­Gagnon travaillent avec des billes de bois prélevées fraîchement en forêt, la structure peut mettre quatre à cinq ans avant de se stabiliser, le temps que le bois sèche complètement «  C’est une maison vivante. On y retourne durant cette période chaque année pour faire les ajustements. Elle va perdre environ 4 % de sa hauteur. Il faut gérer son affaissement  », souligne ­Charles ­Gagnon qui, avec son frère, sont coachés par ­Bob ­Chambers, une sommité mondiale de la technique scandinave.

«  ­Pour nous, c’est important que nos clients partagent notre passion parce qu’on met tout notre cœur dans chaque morceau. Ça ne se compare pas aux maisons en bois ronds usinées comme il s’en fait beaucoup. Quand tu t’assois sur une chaise et que tu te berces, tu sais que la maison a une âme  », termine l’aîné des frères ­Gagnon.