Quelques conseils pour aborder la tragédie de Laval avec son enfant

MONTRÉAL — La tragédie qui a coûté la vie à deux enfants en plus d’en blesser plusieurs autres dans une garderie de Laval, mercredi matin, a provoqué une onde de choc bien au-delà des limites de la municipalité. Nombreux sont ceux qui ont été bouleversés par les événements. En raison de l’âge des jeunes victimes, il est possible que plusieurs enfants posent des questions à leurs parents à ce sujet. 

Nafissa Ismail, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa, propose quelques pistes d’interventions pour s’assurer que cette discussion se déroule pour le mieux.

Lorsqu’un tel drame survient, il est primordial d’établir un dialogue rapidement avec son enfant si celui-ci en ressent le besoin, explique la spécialiste.

«Ce n’est pas un sujet facile à aborder, souligne-t-elle, mais il est essentiel que notre enfant sache qu’il peut nous parler de ses émotions et qu’on tente de répondre à ses questions. On ne veut pas se retrouver dans une situation où l’enfant est triste, inquiet ou angoissé et qu’il ne sait pas comment en parler ou comment gérer tout ça.»

Selon l’âge de l’enfant et l’état d’esprit de celui-ci, le parent décidera du niveau de conversation qu’il est approprié de tenir de même que les éléments qu’il vaut mieux ne pas révéler. 

«Les enfants de cinq ans et moins n’ont pas les structures cognitives nécessaires pour comprendre des situations comme celles de Laval, explique Mme Ismail. À partir de six ans, ils saisissent davantage ce qui s’est passé, ils peuvent aussi sentir que ça pourrait leur arriver.»

Il importe dès lors de se montrer rassurant, en réitérant le caractère exceptionnel des événements, rappelle la psychologue.

«L’enfant peut se projeter et s’imaginer que ce genre de situation peut lui arriver, à lui. L’objectif, c’est de faire comprendre à notre enfant que des événements comme ça sont très rares et qu’on n’a pas à se sentir menacé si on va à l’école ou qu’on voit un autobus, illustre Mme Ismail. On ne veut pas qu’ils développent des craintes par rapport à ce qui s’est passé, alors ce qui compte, c’est de calmer l’anxiété que l’enfant peut manifester.»

Le parent a aussi pour responsabilité de préserver l’innocence de l’enfant en évitant de révéler trop de détails qui pourraient le troubler, notamment en ce qui concerne les causes du drame.

«Ça sera important de ne pas mentionner certains éléments, surtout ceux sur lesquels on n’a pas de certitude, comme les motifs du geste, son caractère intentionnel ou non, indique Mme Ismail. On peut se contenter de dire que le tout est sous enquête et que les policiers font leur travail.»

Il est aussi possible que l’enfant n’ait pas entendu parler du drame ou qu’il ne ressente pas, sur le coup, le besoin d’aborder le sujet; le cas échéant, la professeure Ismail recommande tout de même de demeurer à l’affût, car il se peut que l’angoisse et le stress que peut engendrer la tragédie se manifestent à retardement.

«Demain [jeudi], les enfants vont peut-être en parler entre eux à l’école, note la professeure. Il faut demeurer à l’écoute parce que ce n’est pas parce que notre enfant ne semble pas très affecté aujourd’hui qu’il ne le sera pas plus tard, quand il prendra la mesure de ce qui est arrivé.»

Un conseil qui vaut aussi pour les parents, renchérit-elle.

«Comme parent, ce n’est pas plus facile. Ça vient nous secouer, on pense aux parents qui sont affectés et ça vient nous chercher, mentionne Mme Ismail. On a nos propres émotions, craintes et inquiétudes, mais il est important de ne pas les transmettre à notre enfant.»

Dans tous les cas, il est normal d’être affecté et perturbé par ce qui s’est produit à Laval, rappelle la spécialiste, qui invite quiconque en ressent le besoin à aller chercher de l’aide auprès des ressources prévues à cet effet.

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.