Préjudice en ligne: des experts exhortent le gouvernement à protéger les enfants
OTTAWA — Un groupe d’experts, convoqués par le gouvernement l’année dernière pour donner des conseils sur une nouvelle loi visant à protéger les enfants en ligne, exhorte maintenant le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau à se dépêcher de présenter la loi tant attendue, sinon il risque de mettre encore plus d’enfants canadiens en danger.
La lettre publiée jeudi appelle le gouvernement fédéral à présenter de toute urgence un projet de loi pour remédier aux «préjudices posés par les plateformes numériques», en particulier les comportements et les contenus pouvant affecter les enfants.
«Notre manque de gouvernance a exposé les enfants canadiens à un plus grand risque que leurs homologues d’une grande partie du monde démocratique», peut-on lire.
«Les enfants canadiens sont de plus en plus victimes de violations flagrantes de leur vie privée, de harcèlement, d’extorsion et de cyberintimidation de la part de délinquants au Canada et à l’étranger, sur des plateformes qu’ils utilisent quotidiennement.»
Pierre Trudel, professeur à la faculté de droit à l’Université de Montréal et Emily Laidlaw, professeure de droit à l’Université de Calgary, sont coprésidents du groupe consultatif du gouvernement.
Mme Laidlaw, qui a aidé à rédiger la lettre, affirme qu’il est «temps de faire pression» en faveur du projet de loi.
«D’autres démocraties, dont le Royaume-Uni, l’Union européenne et l’Australie, ont introduit et adopté des lois visant à protéger leurs citoyens en ligne, avec des obligations particulières pour protéger les enfants», peut-on lire dans la lettre.
«Certaines d’entre elles sont des lois sur la sécurité en ligne de deuxième ou troisième génération, alors que le Canada n’a pas encore présenté sa première loi fédérale sur la sécurité en ligne. Il est urgent que le Canada agisse pour protéger la sécurité et les droits fondamentaux des Canadiens.»
La lettre, signée jeudi matin par plus de 50 experts et défenseurs, indique que deux années de consultations fédérales ont produit un «large consensus» selon lequel les plateformes devraient être tenues responsables de leurs services et de tout préjudice qui en résulte.
La législation canadienne devrait imposer aux plateformes en ligne l’obligation de garantir qu’elles travaillent à protéger leurs utilisateurs contre tout préjudice et créer un organisme de réglementation «ayant le pouvoir d’enquêter et de vérifier les plateformes, d’imposer des mesures correctives et d’imposer des amendes», précise la lettre.
La lettre appelle également à plus de transparence, ainsi qu’à des outils de vérification pour garantir que les entreprises respectent les exigences.
«Nous ne serons certainement pas tous d’accord sur les détails du projet de loi, mais il est temps de lancer un débat public urgent à ce sujet.»
Aucun incident particulier n’a motivé la lettre, a assuré Mme Laidlaw – seulement la «lente marche du temps» depuis l’élan d’il y a plusieurs années, lorsque le gouvernement a lancé sa première série de consultations sur ce à quoi devrait ressembler la législation.
Puis, dit-elle, «tout s’est calmé».
Les appels à l’action se sont multipliés alors que la guerre entre Israël et le Hamas conduit à davantage d’antisémitisme et d’islamophobie en ligne, et que la police promeut la sécurité en ligne après qu’un garçon de 12 ans de la Colombie-Britannique, victime de sextorsion en ligne, s’est enlevé la vie le mois dernier.
Plus tôt cette semaine, le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a déclaré que l’incident constituait un «rappel tragique» des risques que posent les préjudices en ligne, en particulier pour les personnes vulnérables.
L’une des signataires de la lettre est Carol Todd, mère d’Amanda Todd, dont la fille adolescente s’est suicidée il y a plus de dix ans après avoir publié une vidéo en ligne détaillant comment elle avait été victime de chantage de la part d’un prédateur en ligne.
Aydin Coban, un ressortissant néerlandais, a été reconnu coupable d’extorsion, de harcèlement, de possession de pédopornographie et de communication avec une jeune personne en vue de commettre une infraction sexuelle. Il a été condamné par un tribunal de la Colombie-Britannique à 13 ans de prison, mais il attend une décision sur la manière dont il purgera cette peine aux Pays-Bas.
Le premier ministre Justin Trudeau a riposté mercredi lorsque le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, l’a interrogé à la Chambre des communes sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas encore déposé le projet de loi.
M. Trudeau a déclaré que son gouvernement restait «sérieux» quant à l’avancement des mesures de protection contre les préjudices en ligne.
Le ministre de la Justice, Arif Virani, s’est engagé à présenter un projet de loi dès que possible, mais a souligné qu’il était difficile de déterminer comment réglementer les plateformes en ligne.