Nouvelle formation pour les psychologues qui travaillent avec les policiers

MONTRÉAL — L’École nationale de police du Québec (ÉNPQ) offrira à compter du printemps prochain une nouvelle formation à l’intention de tous les professionnels de la relation d’aide, dont les psychologues, qui interviennent auprès des policiers.

Un autre volet du projet concernera le développement d’un réseau national de pairs aidants vers qui les policiers pourront se tourner en cas de besoin.

«Les deux initiatives s’expliquent par le même besoin, celui d’améliorer le soutien que reçoivent les policiers dans les organisations en lien avec des enjeux de santé psychologique», a expliqué Marc Desaulniers, le directeur de la recherche, de l’expertise et de la pédagogie à l’ÉNPQ, qui souligne que ces enjeux sont bien documentés dans la littérature scientifique depuis une quinzaine d’années.

Le projet dispose d’un financement de 1 275 481 $ octroyé par le ministère de la Sécurité publique du Québec pour la période 2022-2025. La part du lion de cette somme, soit plus de 410 000 $, sera débloquée pour l’exercice financier 2024-2025.

Les psychologues et autres professionnels de la relation d’aide qui interviennent auprès des policiers sont des gens très compétents, a dit M. Desaulniers, mais ils ne saisissent pas nécessairement bien la réalité quotidienne du travail de policier, ce qui pourra représenter un obstacle au dialogue et même porter certains policiers à croire qu’il est futile de demander de l’aide.

Ces professionnels de la relation d’aide sont habituellement disponibles par le biais des programmes d’aide aux employés offerts par la municipalité dont relève le corps policier. Donc, au cours d’une même journée, ils pourront être appelés à intervenir auprès d’un employé de la voirie, d’un employé de la bibliothèque et d’un policier, a illustré M. Desaulniers.

«Les policiers nous disent qu’ils ont besoin d’une plus grande compréhension de leurs enjeux, de leurs problématiques particulières» de détresse psychologique, a-t-il ajouté.

La nouvelle formation ira du «générique au spécifique», a expliqué M. Desaulniers. Après avoir acquis une compréhension générale de l’organisation de la police, de ses composantes et de ses mécanismes, les participants pourront par exemple être sensibilisés à l’émoussement de la compassion que pourront ressentir certains policiers à force d’être constamment en contact avec la criminalité et la détresse humaine.

Une partie de la formation sera offerte en ligne et en classe. Les participants pourront aussi être invités à aller patrouiller avec les policiers auprès de qui ils pourront un jour être appelés à intervenir, afin de constater leur réalité sur le terrain.

Le volet «pairs aidants» tentera d’assurer que tous les policiers qui en ont besoin pourront se tourner vers un collègue qui sera en mesure de les écouter, de les comprendre et de les aiguiller vers les ressources nécessaires.

«Il existe de très bons programmes de pairs aidants dans certaines organisations policières du Québec, mais d’autres n’en ont pas du tout», a souligné M. Desaulniers.

Le but sera d’identifier les programmes les plus performants et d’aider toutes les organisations policières à les mettre en place, a-t-il dit.

Recrutement et sensibilisation

L’Ordre des psychologues du Québec a participé à l’élaboration du programme à l’intention des professionnels afin de s’assurer de la pertinence des activités qui seront offertes. C’est aussi par le biais des canaux de communication de l’Ordre que seront recrutés les participants. L’ÉNPQ compte également sensibiliser les municipalités à l’importance de cette formation.

«À terme, ça devrait devenir une formation qualifiante recherchée par les villes pour s’assurer que les psychologues dont ils retiennent les services sont compétents, non pas sur le plan général, mais sur le plan spécifique pour intervenir auprès des policiers», a dit M. Desaulniers, qui estime que le financement obtenu devrait permettre de former un millier de professionnels.

Le financement devrait aussi permettre d’éponger la plus grande partie des coûts, ce qui signifie que ceux qui voudront la suivre pourront le faire à très peu de frais, voire gratuitement, a-t-il précisé.

Les policiers hésitent toujours à se prévaloir des ressources à leur disposition, notamment parce qu’ils ont l’impression que leur interlocuteur professionnel ne comprendra tout simplement pas ce qu’ils vivent, a dit M. Desaulniers, «et cette perception d’incompréhension nuit au recours aux programmes d’aide».

«Nous, on prétend aussi que ça va faciliter le recours, mais aussi que ça va permettre d’avoir un meilleur soutien, de meilleures interventions, a-t-il conclu. Ce n’est pas seulement pour que les gens s’y réfèrent, c’est pour que les professionnels travaillent plus facilement et plus efficacement.»