Hommes aux fourneaux

COMMUNAUTÉ. Onze hommes réunis dans une même pièce. Non, ce n’est pas un vestiaire de hockey, mais bien une cuisine. Bienvenue chez les boys de la gastronomie 101…

En début d’année, le Centre d’action bénévole (CAB) de Mékinac a démarré une série de six cours de cuisine réservés exclusivement à la gent masculine. Une première expérience avait été menée avec succès en 2018 et un nouveau groupe de dix apprentis cuisiniers vient de s’y lancer à son tour, délaissant vestes à carreaux et marteaux pour tabliers et ustensiles. Évidemment, question de garder le taux de testostérone élevé, le patron des lieux est lui aussi membre du boys club.

Si certains ont déjà mis la main à la pâte, la plupart regarde un pile-patate avec des points d’interrogation dans les yeux.

«Je cuisine par obligation parce que je suis veuf depuis deux ans, confie Maurice St-Arnault, l’aîné du groupe à 81 ans. Je viens apprendre des techniques et perfectionner le peu de connaissance que j’ai. Comme la plupart des gens qui sont seuls, mon menu est pas mal limité.»

Dans ce premier cours, les cuistots du dimanche apprennent à préparer du poulet: le premier assaisonné aux épices grecques, le second au pesto et le dernier, le préféré de tous, le poulet frit Kentucky. «Une recette de mon grand-oncle, le Colonel Sanders», lance à la blague Sylvain Fortin, le chef cuisinier.

L’objectif du cours est sérieux, mais le déroulement se fait la bonne humeur et la camaraderie, une petite coupe de vin aidant. Gaétan Duchemin, le plus jeune du groupe à 58 ans, a lui aussi perdu sa conjointe il y a un peu plus d’un an. «J’ai toujours fait un peu la popote, mais là, avec un garçon de 16 ans à la maison, je dois diversifier le menu», reconnait-il.

Cuisiner pour briser l’isolement

Agente de promotion au CAB, Lyne Ayotte supervise la bande à distance. «On doit les ramener à l’ordre de temps en temps, mais c’est le fun de les voir. Le gars à côté n’en connait pas plus que toi et quand il le sait, il ne va pas s’en vanter. C’est bien différent des femmes dans une cuisine. Ils ne sont pas compliqués», sourit-elle.

Toutes les raisons sont bonnes pour enfiler un tablier. Pour Michel Allaire, c’est la perspective de se retrouver seul à court terme qui l’a poussé à s’inscrire.

«Mon épouse a des problèmes de santé. Je vais peut-être tomber seul bientôt. Comme je ne cuisinais pas, si je ne veux pas juste manger des sandwichs et des plats préparés, je dois apprendre à me débrouiller.»

«Être obligé de quitter sa maison parce qu’on n’est pas capable de se faire à manger, c’est plate», renchérit Lyne Ayotte.

L’agente de promotion souligne qu’au-delà des recettes, ces rencontres hebdomadaires sont également l’occasion pour ces retraités de briser leur isolement. «Tu rencontres des personnes différentes de ceux de la taverne ou des Chevaliers de Colomb. Ils ne te connaissent pas, tu ne les connais pas. Tu deviens alors quelqu’un d’autre.»

Certains de nos cuisiniers en herbe ont fait tellement de progrès que leur conjointe leur laisse le tablier. «Elle trouve que je cuisine bien, dit avec fierté Gaétan Gingras. J’ai fait l’autre jour du poulet à l’ananas, mais avec du tofu. Je fais goûter ça à mes amis et ils capotent.»

Les cours de cuisine pour hommes du CAB de Mékinac comprennent six formations de deux heures chacune, au coût total de 60$ (ingrédients des recettes inclus). Info: 418 365-7074.