Mékinac: des citoyens en faveur du projet éolien s’affichent au conseil pour la première fois

Trois résidents de différentes municipalités de la MRC de Mékinac ont pris la parole mercredi soir à la séance publique du conseil des maires. Il s’agit d’une première à cette tribune où ce sont plutôt les opposants qui s’y expriment depuis l’annonce du Projet Mauricie de TES Canada.

À la période de questions, Claude Baril, résident de Grandes-Piles, a été le premier des trois à exprimer son appui au projet.

« Je vais vous dire que je suis pour, puis je vais vous dire pourquoi. C’est mon opinion à moi. Je ne parle pas au nom de la majorité, je n’ai pas cette prétention-là et je n’aime pas ça quand quelqu’un dit que la majorité n’en veut pas. Dans la MRC de Mékinac actuellement il y a 12 600 de population. La seule façon d’augmenter la population, c’est de ramener des jeunes. Nos jeunes, ils l’ont le sentiment d’appartenance. Ils veulent revenir. Ça prend des jobs. Pendant la construction de ce projet-là on va créer 1 000 emplois pour cinq ans, investir quatre milliards de dollars. Après ça, ça va créer entre 50 et 100 emplois très bien rémunérés. Nous autres, on va laisser passer ça? »

Il a ensuite évoqué les impacts et les inconvénients du projet, mais aussi les redevances que les municipalités recevront selon le nombre d’éoliennes sur leur territoire.

« Ça peut nous donner une petite pause au niveau des taxes. Je pense qu’on n’a vraiment pas les moyens de laisser passer un projet comme ça. Je connais plein d’entrepreneurs à qui ça va permettre de consolider des emplois pour des travailleurs de Mékinac, et peut-être de se développer pour les prochaines années. Ce n’est pas négligeable. »

Quelques minutes plus tard, ce fut au tour de Daniel Allard de Sainte-Thècle d’expliquer pourquoi il était favorable au projet. M. Allard est un des premiers agriculteurs qui a dit publiquement, en mai, vouloir recevoir une éolienne sur son terrain. Il aurait été victime de menaces peu de temps après sa sortie publique. Mercredi, il a fait un lien avec les dommages causés par des événements comme les pluies diluviennes du 9 août dernier.

« Je suis résolument en faveur de ce projet de décarbonation. On commence à subir des assauts récurrents des changements climatiques. Les municipalités, vous engagez beaucoup de dépenses. Sur mes terres, cinq ponceaux ont été endommagés dont deux qu’il faut remplacer pour être capables de finir nos récoltes. Tout ça milite en faveur de prendre action et on a là chez nous une belle occasion. Quand j’ai vu ce projet-là, j’ai dit enfin il se passe quelque chose pour être capable de garder des industries qui sont aujourd’hui émettrices de carbone à grand volume et on pourrait avec ce projet-là diminuer leur impact ce qui va leur permettre de rester ouvert, sinon dans quelques années ils vont devoir diminuer leur production, congédier du personnel. »

« Les normes de distance, c’est important. Dans mon cas, ce sont des terres agricoles en bonne partie. J’aime mieux l’installer à un endroit où je ne perds pas de terrain. Il y a des sites de moindre impact, c’est tout ça qu’il faut regarder. Il faut avoir de la souplesse, mais il faut surtout bien accueillir ce projet-là qui s’en vient chez nous. On a là l’occasion de diversifier notre économie. On parle de 200 emplois à proximité, à Saint-Georges-de-Champlain. »

La préfète Caroline Clément a dû interrompre M. Allard pour faire taire des commentaires de la foule de plus en plus audibles.

« On vous a écouté beaucoup, les opposants, mais là c’est une des premières fois qu’on a quelqu’un, on va l’écouter lui aussi. »

« Je suis favorable, a-t-il poursuivi, je suis sûr qu’il y a plein de gens autour. Lorsqu’on en parle un à un, les gens disent que ç’a bien du bon sens. Mais là, il ne faut pas s’afficher parce qu’on devient une cible et ça c’est tragique. Demain matin, peu importe ce qui se passe, on va continuer à aller dans les mêmes commerces, aux mêmes places. »

Il a ensuite complété son argumentaire sur la création d’emplois en faisant valoir les emplois indirects « dans les PME pour l’approvisionnement, les services, la restauration. »

Un autre résident, Richard Champagne, a, plus brièvement, manifesté son soutien au projet éolien.

« Je suis pour. Il faut voir l’ensemble du projet. On est contre le pétrole, on est contre les éoliennes. Il faut changer notre façon de faire. Je suis là ce soir pour vous dire que ce n’est pas vrai que tout le monde est contre. C’est important pour notre région. Nos populations sont vieillissantes. Qu’on ramène des jeunes dans nos municipalités. »

Ces prises de positions, jamais vues au conseil des maires, ont donné lieu à différents échanges, comme lorsque France Laliberté de Sainte-Thècle a nuancé les prises de position de certains opposants.

« On ne veut pas d’éoliennes près des habitations. On est pour la transition énergétique. On n’est pas contre les éoliennes, on est contre les éoliennes en milieu habité. On est contre la façon que la transition énergétique est menée présentement par la CAQ. »

La mairesse de Saint-Tite, Annie Pronovost, a résumé la situation de la MRC dans ce dossier et le rôle qu’elle a à jouer.

« Nous ce qu’on avait à faire, il y a un projet qui nous est arrivé, on se devait de le réglementer, c’est ce qu’on a fait. On a fait un RCI, on a envoyé ça au ministère des Affaires municipales et on attend le retour, autour du 19 septembre, pas avant. On n’a pas à décider, on avait à réglementer ça et on l’a fait, donc on attend la suite. Tout a été dit. On a entendu les gens qui étaient contre, on a entendu ce soir pour la première fois des gens qui étaient pour. Je pense qu’il n’y a pas autre chose à ajouter là-dessus. »

C’est toutefois une citoyenne présente dans la salle, Carole Myre, qui a eu le dernier mot.

« C’est un peu tendu ce soir dans l’expression des opinions. Je respecte les opinions de tout le monde. Je trouve que c’est très intéressant l’expression des différents points de vue. Ce sont des arguments qui sont complètement différents, légitimes dans les deux cas. La perspective économique me touche moins, la perspective des nuisances me touche davantage. À mon avis, ça milite justement en faveur d’un référendum consultatif. Les deux parties vont devoir vivre avec les résultats. »

« Ça prend du gutz! »

Durant la soirée, la préfète Caroline Clément a dit apprécier les différentes prises de position entendues durant la période de questions.

« On a quand même des propos qui viennent peaufiner le débat. C’est quand même intéressant. Je salue leur courage parce que ça prend du gutz. Il y en a qui sont pour. Il y a les deux côtés et on est là pour écouter les deux côtés. »

À la fin de la séance, Mme Clément a élaboré sur la présence des « deux côtés de la médaille ».

« Je comprends qu’ils ne sortaient pas à cause de la peur des représailles, de l’intimidation, des menaces. Mais ne serait-ce qu’il y en ait qui osent se présenter ce soir, prendre la parole, je trouve ça important pour le débat actuel, pour faire avancer les idées. J’étais vraiment heureuse de voir qu’il y avait les deux côtés. On avait des témoignages autres que ce qu’on avait entendu jusqu’à maintenant. »

Le premier citoyen à s’être exprimé en faveur du projet, Claude Baril, convient que cette sortie était en quelque sorte concertée.

« J’ai appelé des gens en leur disant: « Si vous pensez que c’est important, présentez-vous ». Ceux qui sont contre montent aux barricades et je les respecte. Par contre, il faut qu’un débat se fasse, donc il faut entendre ceux qui sont pour. La MRC de Mékinac, qui est un des plus pauvres au Québec, n’a pas les moyens de laisser passer un projet de quatre milliards. Oui, il y a des inconvénients, mais ça va nous aider pour les dix prochaines années au moins. »

À travers le débat, il respecte l’opinion de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui.

« Je ne suis pas là pour me chicaner avec eux. J’aime mieux quelqu’un qui est contre et qui se donne la peine de se déplacer et de venir que quelqu’un qui est contre et qui chiale chez eux. »

Cependant, il ne voit pas la pertinence d’un référendum.

« Au niveau des élections municipales, on est à 25 ou 30 % qui viennent voter. Un référendum, ça va être, disons 35 %. Admettons que ça passe, il y en a qui vont dire qu’il y a seulement 35 % qui ont voté. Je pense qu’on n’est pas là. De toute façon, ils parlent de commencer le projet dans deux ans. Il va continuer à y avoir des choses. »

Notons qu’un autre membre de l’assemblée, Éric Labranche, natif de Sainte-Thècle mais habitant maintenant à Shawinigan, a lui aussi fait valoir son appui au projet.

Le représentant d’un groupe d’opposants, Frédéric Krebs, a distribué aux maires et mairesses le même résumé des signatures récoltées par pétition qu’il a remis samedi au député de Saint-Maurice-Champlain, François-Philippe Champagne, pour réclamer un référendum commun aux municipalités concernées des deux MRC. Il s’était rendu deux heures plus tôt au conseil des maires de la MRC des Chenaux faire la même démarche.