Les travaux en vue du redémarrage de la centrale de Saint-Narcisse pourraient s’amorcer dès l’automne prochain

L’échéancier d’une éventuelle relance de la centrale hydroélectrique de Saint-Narcisse commence à se préciser. Les communautés partenaires du projet devraient avoir, à la fin juin, toutes les données en main afin de se prononcer sur la reprise ou non des activités.

Six mois après la constitution officielle de la société en commandite vouée au redémarrage de la centrale, la population s’est montrée curieuse d’en savoir plus sur l’avancement du projet. Une soirée d’information a attiré une foule nombreuse au Centre communautaire Henri St-Arnaud jeudi soir.

Énergie communautaire de la rivière Batiscan a mandaté Développement Pek pour l’accompagner dans toutes les étapes du projet. Son directeur général, Marc Morin, s’est avancé sur les dates de certaines étapes à venir.

« On a fait un recensement d’études environnementales au cours de l’été dernier. Pendant l’hiver, on va faire des évaluations des coûts de réfection pour arriver au printemps avec une décision d’investissement de la part des partenaires. Ça veut dire qu’on va arriver avec un plan de développement, un budget, des discussions amorcées avec Hydro Québec au niveau du contrat éventuel et des prix d’énergie. Ça va aller vers la fin du printemps avant d’avoir tout ficelé, disons juin au plus tard, de sorte qu’on pourrait peut-être envisager certains travaux dès l’automne. Une date prévue de mise en service, je n’en ai pas une à vous donner aujourd’hui. Ça risque d’aller en 2028. »

« Pour se rendre quelque part en mai ou juin pour pouvoir déterminer d’une façon très sérieuse et très précise quel sera le coût du projet pour que les partenaires donnent le go/no-go, on a déjà commencé les études, mais le plus gros des études reste à suivre à partir du mois de janvier, a ajouté le directeur général de la MRC des Chenaux et président d’Énergie communautaire de la rivière Batiscan, Patrick Baril. Il a fallu donner un budget de fonctionnement. On a établi au conseil d’administration qu’on a besoin de 1 850 000 $ pour faire l’ensemble des études. »

Ce budget de fonctionnement amène la municipalité de Saint-Narcisse à injecter 555 000 $, et la MRC des Chenaux, 185 000 $.

« C’est une somme importante mais si on compare aux rendements qui vont venir, on parle probablement de plusieurs dizaines de millions de dollars, c’est quelque chose de très raisonnable., des montants très réfléchis et légitimes. Au bout de ça, on va pouvoir prendre la décision si on poursuit ou pas le projet. Pour le moment, il n’y a aucun indicateur qui nous dit que le projet n’ira pas de l’avant, au contraire, ce n’est pas savoir si on fait le projet, c’est savoir quand on commence. À notre avis, il n’y a pas de raison pour que ce projet-là ne se réalise pas. »

Les partenaires font le pari que « lorsque le projet entre en opération, les revenus sont suffisants pour rembourser l’emprunt et générer des liquidités. »

« L’entente qui va être signée avec Hydro-Québec va couvrir l’ensemble des frais fixes et des frais variables, du capital intérêt plus un surplus. Les citoyens de la MRC des Chenaux et de Saint-Narcisse, vous n’aurez aucun impact lorsque le projet va démarrer, parce qu’il va s’autosuffire et va même créer des surplus. »

Qu’en est-il de la taxe « barrage » de 140 $ ?

En attendant que les revenus de la centrale puissent rembourser les investissements nécessaires au démarrage du projet, le défi demeure la brève échéance des prêts pour une municipalité en accord avec les règles du ministère des Affaires municipales.

Le maire de Saint-Narcisse et préfet de la MRC des Chenaux, Guy Veillette, a expliqué que la volonté du conseil municipal a toujours été que le projet n’ait pas d’impact sur le compte de taxes.

« Dans ce type de financement pour des études de faisabilité, on était limité à un maximum de remboursement sur cinq ans. C’est pour ça que vous avez vu sortir une nouvelle à l’effet qu’il pourrait y avoir une taxe « barrage » d’à peu près 140 $ par année par compte de taxes. On a continué de travailler auprès du ministère des Affaires municipales en disant: « Ça n’a pas de bon sens. On vient pénaliser les citoyens de Saint-Narcisse parce qu’on a un projet, parce qu’on veut faire quelque chose qui va être structurant à long terme. »

La municipalité a réussi à obtenir une certaine marge de manoeuvre.

« Dans le pire scénario, si on dit qu’au printemps, on ne part pas le projet, on est assuré que le montant de 555 000 $, ce n’est pas sur cinq ans qu’on devra le rembourser, c’est sur dix ans. On a déjà gagné ça. »

En poursuivant les discussions avec le ministère, une nouvelle porte s’est ouverte.

« Si on parle d’un projet de 100 M$, mettons, si on doit emprunter 30 M$ en 2025, puis on parle de 2028 ou 2029 où l’argent va commencer à rentrer, on ne sera pas capable de remettre les intérêts et le capital sur un montant de 30 M$ pendant quatre ans. Ce qu’on a discuté avec les gens du ministère et ce principe-là est accepté par eux, c’est de dire qu’on a besoin d’un fonds de roulement. L’investissement sur l’infrastructure, c’est une chose, mais on a besoin d’un fonds de roulement supplémentaire. »

Le conseil municipal va également évaluer si le montant du règlement d’emprunt de 555 000 $ pour l’étude de faisabilité pourrait être ajouté au fonds de roulement.

« Il n’y aurait pas d’impact à court terme sur le compte de taxes des citoyens. Est-ce qu’on va arriver à financer tout ça comme ça? C’est le plan. Ça va être un emprunt duquel la municipalité se porte garante, mais avec un contrat de 40 ans avec Hydro-Québec indexé annuellement. On ne signera pas un emprunt de ce montant-là si on n’a pas un contrat en bonne et due forme d’Hydro-Québec. »

Quant au rendement de la centrale une fois en opération, M. Morin s’est fait rassurant.

« La centrale, historiquement, produisait 15 MW. Avec les nouveaux équipements, on pense qu’on va peut-être être capable de sortir 16, peut-être 17, en tous cas, minimalement autant qu’avant. Les revenus à anticiper vont être très bien connus, parce qu’il y a un historique d’opération depuis 1926. C’est vraiment très fiable comme évaluation. »

Le modèle communautaire

Hydro-Québec qualifie un tel partenariat d’historique, puisque trois communautés des Premières Nations sont partenaires, à 20 % chacune, le Conseil des Atikamekw de Wemotaci, la Nation huronne-wendat et Pekuakamiulnuatsh Takuhikan. Saint-Narcisse détient une participation de 30 % et la MRC des Chenaux, de 10 %.

« La volonté du conseil de Saint-Narcisse, qui a initié le projet, ç’aurait été d’être majoritaire, le plus possible, mais ce n’était pas stratégiquement avantageux, a indiqué M. Veillette. Le modèle qui avait été proposé au début, c’était 50 % municipal, 50 % autochtone. Une structure paritaire. Les communautés autochtones ont été de fins négociateurs à l’intérieur de cette démarche-là. Et pour nous, c’était important que la MRC ait une place dans le projet. J’ai une vision régionale du développement. »

Le premier objectif de la société en commandite est de rentabiliser la centrale et de dégager des surplus à être redistribués dans les communautés. Pas question de mêler la politique aux opérations.

« Au moment où on a concrétisé cette entente-là dans un partenariat, notre job, sur le plan politique, elle se termine là. La job est confiée à des gens qui sont nommés sans aucune intention politique. Le but de cette société en commandite, c’est un but opérationnel, un but d’affaires. Nous, on ne vient plus faire de politique au travers de ça. On en a fait pour créer les discussions, signer les contrats, mais on n’est plus dans quelque chose de politique. »

« On ne veut pas que ce dossier-là devienne politique, on veut que ce dossier-là soit géré d’une façon business, a ajouté M. Baril. L’objectif premier c’est d’en arriver à un projet qui est rentable. Si on n’a pas cette garantie-là au conseil d’administration, on n’ira pas de l’avant. On veut que notre projet soit responsable, durable et socialement acceptable. On veut que les revenus deviennent des leviers pour le développement économique et pour l’avenir de nos communautés. »

Développement Pek

L’ingénieur Marc Morin est à la tête de Développement Pek, une corporation sans but lucratif qui a guidé des organismes communautaires dans la réalisation de projets semblables à celui de Saint-Narcisse.

« Le promoteur devient maître d’oeuvre du projet, a précisé M. Morin. On a une tendance pour aligner nos actions avec la volonté et la vision qui consiste à favoriser les entreprises régionales, différents entrepreneurs. On ne va pas donner ça à une très grande entreprise qui va s’occuper de tout à votre place. On s’implique vraiment au niveau de l’exécution. »

Il sent une volonté importante et une implication soutenue de la part d’Hydro-Québec.

« La centrale serait transférée dans le cadre d’un bail emphytéotique. Ça veut dire qu’ils nous donnent le droit de faire, comme si on était propriétaires, des travaux à la centrale, pour une période minimalement de 40 ans. Ça nous donne la perspective d’investir, de faire les travaux pour s’assurer que l’opération se fasse sans problème pour une longue période. Il n’y a aucune centrale encore au Québec, à ma connaissance, qui un contrat de 40 ans avec Hydro- Québec. De plus, ils veulent avoir des participations avec les communautés autochtones dans les projets. Favoriser ce type de partenariat-là, c’est très important pour eux. »

Puisque la société d’état souhaite éventuellement céder de petites installations hydroélectriques comme celle de Saint-Narcisse, elle agit en réunissant les conditions pour en faire un succès.

« Hydro-Québec prend le temps de faire des choses, indique M. Veillette. Ce qu’ils disent, c’est qu’ils ont d’autres petites centrales, des 6, 7, 10, 15 MW, dont ils veulent se départir. Avec Saint-Narcisse, on établit la marche à suivre dans le cas des autres dossiers. C’est pour ça qu’il y a plus d’étapes de validation sur le plan juridique et tout ça. »

« Il y a quatre projets dans le même genre de patron de transfert, précise M. Morin. Hydro-Québec a une vision de travailler en collaboration avec le milieu pour faire que ça se réalise. Sur la durée de ce contrat-là et le tarif, il y a une ouverture de la part d’Hydro-Québec. On n’est pas dans un contexte où il faut se battre pour un prix. On est vraiment dans une situation où tout le monde est aligné avec l’objectif de remettre la centrale en opération au meilleur coût possible. On est très confiant de pouvoir présenter une solution qui va être intéressante pour Hydro-Québec et qui va être très profitable pour les partenaires. »

Un autre facteur joue en la faveur des promoteurs, selon M. Veillette.

« Les coûts évités par Hydro-Québec. S’ils sont propriétaires puis qu’ils démantèlent, c’est minimum 45 M$. On leur évite une facture de 45 M$. D’après moi, ça se négocie sur un bail de 40 ans. C’est une carte qu’on a dans notre manche pour s’assurer d’une marge de manœuvre suffisamment grande. »

L’état de la centrale

Les citoyens ont été intéressés par l’aspect technique abordé par l’ingénieur Marc Morin, à propos duquel plusieurs questions ont été posées.

« Si on résume le projet de Saint-Narcisse en différentes composantes, vous avez le secteur du barrage, vous avez une galerie d’amenée, un tunnel dans le roc revêtu de béton qui amène l’eau jusqu’à la centrale et le poste de départ qui relie ça à une ligne électrique qui livre l’énergie. Aujourd’hui le poste de départ est complètement détruit, il reste rien que des bases de béton, il faut le refaire avec des équipements neufs. La centrale n’est pas raccordée au réseau autrement que pour les services auxiliaires. »

Marc Morin a dressé le bilan de l’état actuel de la centrale.

« Au niveau du barrage, il y a des travaux de surface qui sont évidents puis des aspects de stabilité. On va l’ancrer au roc puis rehausser un peu le niveau. Hydro-Québec a déjà procédé à certaines investigations où il y a du forage dans le béton, dans les digues chaque côté des ouvrages de fermeture. On sait à quoi s’attendre, il faut faire un plan, des dessins d’ingénierie pour définir les travaux à réaliser au barrage. »

« Au niveau du tunnel, c’est un tunnel un peu particulier, il date quand même de plusieurs années. Il est encore revêtu de béton. La dernière fois qu’il a été inspecté c’est en 1993. Hydro-Québec avait relevé quelques endroits, moins de dix, où il y avait certaines érosions de béton qui avaient été notées, mais rien d’alarmant parce qu’ils ont simplement remis l’eau dedans puis continué à opérer. Ça va être important de retourner voir dans quel état c’est, faire des réparations, parce qu’on a une vision à long terme. Si on pense à un horizon de 20 à 40 ans, c’est le temps maintenant de faire certains travaux de mise à niveau. À ce moment-ci on ne prévoit pas avoir de grands travaux à faire au tunnel, mais il reste à faire les inspections pour qualifier tout ça. »

Les retombées

La relance de la centrale pourrait se traduire par des projets de toutes sortes qui profiteraient à toutes les communautés parties prenantes du projet.

« Les retombées financières, qu’est-ce qu’on va faire avec ça? Je pense qu’il va falloir qu’on démontre à Hydro-Québec ce qu’on veut faire, qu’on investisse dans du développement ou dans des dossiers plus sociaux. Est-ce qu’on va développer des bourses d’études pour les jeunes? Est-ce qu’on va soutenir la construction d’infrastructures de loisirs? Qu’est-ce qu’on va faire avec ça? On va y réfléchir, mais je pense que ce sont des éléments qui vont parler à Hydro-Québec, de dire qu’on ne veut pas juste faire de l’asphalte avec ça, mais qu’on va aussi s’occuper de notre monde. »

La soirée d’information a attiré de nombreux citoyens intéressés d’en savoir plus sur un projet qui semble rallier beaucoup plus qu’il ne divise. Le maire et préfet, qui connaît tout le monde par son prénom, accueillait les citoyens à l’entrée en leur proposant de prendre un café pour une discussion conviviale « en famille ».

Le ton de la soirée et les questions de l’assemblée contrastaient avec celles auxquelles le maire et préfet a à répondre depuis un an au sujet du projet d’éoliennes. Les citoyens et citoyennes, bien que préoccupés par l’aspect financier engageant la municipalité de Saint-Narcisse, se sont montrés davantage curieux et enthousiastes qu’inquiets. Nombre d’entre eux et elles sont allés féliciter Guy Veillette directement à la fin de la rencontre. Le maire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Luc Dostaler, a aussi été élogieux envers M. Veillette qui croit dans ce projet depuis cinq ans.

Ce dernier n’a pas caché qu’il avait hâte de présenter à ses concitoyens et concitoyennes les détails d’un tel projet structurant qu’il souhaitait mettre de l’avant depuis son entrée en politique.

« Ça, ça peut transformer un milieu. Si on parle d’investir dans des infrastructures, d’aider nos citoyens vulnérables, pour moi, ç’a du sens. C’est vraiment l’esprit dans lequel je cherchais, quelque chose de communautaire, ne pas dépendre de l’entreprise privée, et qui nous aide vraiment à changer l’avenir de nos communautés. Je ne vois que du positif au niveau de ce projet-là. On maintient un actif qui était déjà en place, on continue de produire de l’électricité, et en plus, ça va générer des retombées. Je suis bien heureux de cette séance de ce soir. On travaille toujours dans cet esprit-là pour dire qu’on va générer quelque chose, que ça ne coûte pratiquement rien, ça va nous coûter des efforts, du jus de bras, du jus de cerveau, mais à l’autre bout, les citoyens vont en profiter. »