Filière éolienne: un changement de cap majeur est réclamé
RÉGIONAL. Au cours des deux dernières années, les groupes de citoyens demandant une plus grande transparence concernant le développement de l’industrie éolienne au Québec se sont multipliés à travers la province. Aujourd’hui, ils unissent leurs forces au sein d’une coalition pour porter une série de revendications communes. Leur objectif : réorienter le développement de l’éolien en fonction du bien commun, en insistant sur des principes de transparence, d’acceptabilité sociale et de propriété publique.
Plus précisément, la coalition citoyenne formule cinq grandes demandes : l’instauration d’un moratoire sur le développement de l’éolien, la tenue d’un BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement) générique, l’ouverture d’un débat public sur le modèle énergétique du Québec, l’instauration de référendums municipaux pour garantir une véritable acceptabilité sociale et la propriété publique de l’énergie éolienne.
Un développement à repenser
La coalition exprime un fort désaccord face à la manière dont l’éolien se développe actuellement au Québec. Elle critique autant la méthode que la pertinence de l’expansion accélérée planifiée par Hydro-Québec et le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ).
« On fait face actuellement à une vaste campagne de désinformation. La CAQ a créé de toutes pièces une pénurie d’électricité », indique Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec, jugeant que le Québec a suffisamment d’énergie pour sortir l’ensemble du gaz et du pétrole de son équation énergétique. « Les dirigeants d’Hydro-Québec ont vendu à vil prix notre électricité à de grosses corporations et à l’exportation. C’est même rendu déficitaire », explique-t-elle, s’offusquant de la « dépossession de notre électricité ».
La privatisation de l’énergie éolienne n’est pas une option, martèle la coalition. « En partageant les bénéfices avec le privé, le Québec perdra des milliards de dollars, et moins d’argent sera consacré aux services publics essentiels comme l’éducation ou la santé », prévient Patrick Gloutney, président du SCFP-Québec. Selon lui, Hydro-Québec possède l’expertise nécessaire pour gérer l’industrie éolienne sans avoir besoin de recourir au secteur privé.
Rachel Fahlman, conseillère municipale de Saint-Zéphirin-de-Courval et présidente de Vent d’Élus, insiste de son côté sur l’importance de tenir un BAPE générique. Il servirait à mettre en lumière les conséquences financières de la filière éolienne privatisée sur la société québécoise et à faire une analyse des impacts cumulatifs potentiels sur la santé humaine, le territoire agricole, les écosystèmes et la biodiversité, ce que ne permettent pas les BAPE spécifiques à un projet. « Refuser de le faire, c’est favoriser les intérêts privés aux dépens du bien commun », juge-t-elle.
« C’est toute notre société qui perd au change avec ce développement privatisé, déguisé en développement régional parce qu’il [se fait supposément en] partenariat avec les municipalités et communautés autochtones », renchérit Jean-François Blain, analyste en réglementation du secteur de l’énergie.
« Il est impératif d’instaurer un processus de référendums municipaux obligatoires avant qu’une municipalité puisse donner son appui à un parc éolien sur son territoire », indique Carole Neill, porte-parole du collectif Toujours maître chez nous, qui s’oppose au projet de TES Canada dans les MRC de Mékinac et Des Chenaux. Selon elle, c’est la seule manière de favoriser l’acceptabilité sociale, qui demeure un point sensible.
Les profits au détriment de l’intérêt public
Dans la formule actuelle, le développement de la filière éolienne semble servir le développement économique et non la transition socio-écologique, plaident les membres de la coalition.
Ils sont s’avis qu’il existe des solutions pour un développement éolien respectueux des territoires, des communautés et de l’intérêt public, et souhaitent être consultés.
À ce chapitre, James Allen, président de la Fédération de l’UPA de Chaudière-Appalaches, aborde un point qui porte à réfléchir : « Comme le territoire agricole du Québec ne représente plus que 2%, ne serait-il pas possible de cadrer ce développement afin qu’il se fasse ailleurs que sur nos terres nourricières et dans nos érablières? ».
Il reste à voir si les idées et les demandes du groupe seront entendues…