Produire des champignons médicinaux et gastronomiques chez soi

La culture des champignons est possible sur plusieurs types de substrats. Aujourd’hui je vous parlerai de la culture du SHIITAKE sur rondins de bois durs. Voici une description chronologique des grandes étapes à réaliser afin de produire des champignons médicinaux et gastronomiques chez soi.

La préparation des rondins

Pendant l’hiver, les arbres en santé et en dormance ont environ 40% d’humidité. La sève est quasi absente. C’est le moment de sélectionner les bons arbres en santé, de les abattre, de les couper en rondins. L’hiver 2018-2019 a été très rigoureux et de nombreux arbres sont tombés, ont fléchi irrémédiablement ou ont vu leurs cimes cassées par les tempêtes.

Chez moi, ce sont plus de 150 arbres de 1 à 8 pouces (2 à 20cm) de diamètre qui ont été abîmés. Ils ont été coupés. Plutôt que de faire du bois de chauffage, nous avons opté pour l’inoculation et la mise en production de champignons avec les arbres de diamètre de 3 à 8 pouces (7 à 20cm). Les branches et arbres de petits diamètres sont réduits en copeaux pour d’autres usages.

Chaque rondin est inspecté, lavé, désinfecté.  L’arbre en forêt est sale et recouvert de spores, mousses, lichens, levures, bactéries, etc. Le trempage en eau javellisée, le brossage, et les inspections visuelles servent à débarrasser ces organismes de l’écorce des rondins.

L’arbre vivant possède un système immunitaire qui empêche la prolifération de champignons. Il faut attendre de 2 à 4 semaines après la coupe pour que cette protection naturelle ne soit plus efficace avant d’inoculer le mycélium de culture.

L’inoculation : Utiliser la bonne souche de mycélium

Comme nous désirons qu’un champignon soit produit, il nous faut sélectionner une souche de mycélium compatible avec l’essence d’arbre, avec notre climat, et choisir le type de substrat de l’inoculum. Une cheville de bois, un brin de scie fin, l’utilisation de granules de bois francs, de l’écale de soya, de son de blé, et d’autres substrats à granulosité fine va nous permettre de « contaminer » le rondin avec une injection dans des trous.

Les trous sont percés tout le long de la bille de bois, sur plusieurs rangées et disposés en quinconce. Ce mot vient du nombre 5 et signifie qu’ils sont alternés. Cette façon d’inoculer permet à l’inoculum de coloniser toute la matière ligneuse plus rapidement.

Le mycélium est injecté avec une canule, puis scellé à la cire d’abeille. D’autres cires sont moins couteuses, mais aussi moins efficaces. On scellera aussi les blessures de l’écorce, les bouts des rondins.

La colonisation en incubation

Le mycélium est un organisme dont l’activité est affectée par la température. Dans le cas des shiitakes que nous avons sélectionnés, l’activité et la vitalité du mycélium est à son maximum entre 22 et 24 degrés Celsius. Inoculé en hiver, le rondin ne doit pas retourner immédiatement dehors. On le place dans un endroit où la température avoisinera le plus possible la température optimale de croissance du mycélium. Chez nous, les rondins ont été placés au garage, à une température variant entre 12 et 22 degrés Celsius. C’est inférieur à la température optimale, mais moins couteux en chauffage. L’humidité est contrôlée. Ils y sont restés jusqu’au 1er août.

C’est entre 20 et 40 rondins qui peuvent être inoculés avec un sac de culture, ou un sac de gougeons. Nous avons fait plus de 200 rondins en plusieurs semaines.

La colonisation, c’est-à-dire l’établissement du mycélium dans le rondin  s’est établie pendant environ 5 à 7 mois d’incubation. Il faut généralement de 8 à 18 mois pour qu’un mycélium envahisse complètement un rondin tombé en forêt, en prenant en compte les fluctuations des températures annuelles. L’incubation en salle tempérée pendant l’hiver nous permet de raccourcir ce temps de colonisation.

Après 7 mois d’incubation, les rondins sont transportés en forêt pour la fructification.

L’installation en forêt

Chez moi, l’aménagement d’un sentier mycologique, de zones d’entreposages et de fructifications fait partie de l’aménagement d’une forêt médicinale et thérapeutique en permaculture. Les rondins ont donc fait le voyage entre le garage et la forêt.

Ils sont disposés en piles, en carrés, en obliques, et protégés ou non des infestations des limaces ou des insectes. On utilise des toiles géotextiles ou des filets de cultures afin de laisser à l’eau de la pluie, à l’humidité des rosées et à celle du sol, d’alimenter le mycélium afin qu’il produise des champignons.

Faire fructifier le shiitake

Le mycélium de shiitake s’aperçoit qu’il doit produire des champignons lorsqu’il manque d’oxygène, et qu’il reçoit une vibration, comme si l’arbre tombait au sol. On peut laisser faire la nature ou « forcer » certains mycéliums à produire. Le cycle de production du shiitake est de 9 semaines.

La fructification des rondins disposés en carrés permet de récolter les champignons qui sont facilement accessibles sur tous les angles.

Donc à toutes les 9 semaines, on prend une quantité (1/9) de rondins et on les immerge dans l’eau froide pendant 24 heures. Ensuite on les retire de l’eau, on les frappe conte le sol et on les dispose sous les filets anti-insectes sur des toiles géotextiles anti-limaces. Ces rondins vont produire des champignons durant les 3 semaines qui suivront.

À chaque semaine, on redémarre une nouvelle quantité de rondins colonisés en recommençant le processus de trempage.

On cueille les champignons lorsqu’ils sont matures et après 3 semaines le rondin ne portera plus de fruits. On le remise alors pour 6 semaines, et nous permettons un repos bien mérité au mycélium.

Rotation des productions

La rotation des fructifications de semaine en semaine permet une production constante. Les tâches sont bien réparties dans un horaire routinier. Les rotations sont intéressantes pour les usages domestiques, ou la vente par abonnement car la production est moins envahissante et plus constante.

Il pourrait être possible de faire une grosse quantité de champignons en forçant tout le lot de rondins à produire en même temps. Il y aurait une grosse semaine de trempage, suivie de 3 grosses semaines de productions, et 6 semaines de vacances. Dans ce cas, il serait préférable d’avoir un gros acheteur pour un événement unique.

Longévité : production sur plusieurs années

Le forçage permettra plusieurs fructifications par année alors que la nature en offrira moins. Ceci affectera la longévité du rondin.

La matière ligneuse du bois du rondin constitue la nourriture du mycélium. La production et la longévité du rondin sont en lien avec la quantité de nourriture disponible. Un rondin de chêne ou d’érable à sucre offre plus de nourriture qu’un rondin de bouleau ou de peuplier faux-tremble.

C’est la même relation que celle de l’énergie disponible dans une corde de bois de chauffage.

On s’attend qu’un rondin d’érable à sucre produise entre 3 et 7 ans dépendamment qu’il produise naturellement ou de façon forcée.

Acheter un rondin prêt à produire

Vous pourrez trouver des rondins chez certaines pépinières et magasins spécialisés. Des producteurs privés vendent aussi des rondins prêts à produire. Assurez-vous que la vitalité est toujours à son maximum avant d’acheter. Plusieurs personnes paient trop cher pour des rondins bien inoculés et bien colonisés qui ont séchés avant la livraison au client. C’est tout comme acheter une plante qui aurait séchée sur les tablettes. Il y aurait peu de chance qu’elle vous donne de belles fleurs.

Il est aussi possible de participer à des formations et ateliers d’inoculation. C’est une activité hivernale ou printanière pour le mycoculteur amateur qui sommeille en vous.

Je vous suggère de déguster ces bons shiitakes qui sont aussi succulent que médicinaux. Ils auraient notamment la propriété de réparer les anomalies de l’ADN. Les Shiitakes sont disponibles dans plusieurs épiceries et chez les producteurs locaux.