Une 60e saison des sucres pour Angelo et Anita Trépanier

SAINTE-THÈCLE.  « Ça sent le printemps. Ça goûte le printemps! », se reprend rapidement Angelo Trépanier, assis dans sa cabane à sucre, reconnaissable entre mille avec son éternel chapeau et sa chemise à carreaux. 

Avec son épouse Anita, l’homme de 84 ans entamera dans les prochains jours sa 60e saison des sucres à Sainte-Thècle. « Mon voisin a fait du sirop jusqu’à 88, mais ce n’est pas lui qui entaillait. Moi, je coupe mon bois et j’entaille tout seul. J’aimerais ça le battre, mais à mon âge, on prend ça une année à la fois », confie-t-il avec sagesse.

Pour bien souligner que le temps passe, Angelo Trépanier rappelle qu’il a officiellement pris possession de son érablière le 22 novembre 1963, la journée où le président américain John F. Kennedy était assassiné à Dallas. « Il y avait 800 entailles, mais j’ai réussi à en ajouter 200 autres. C’est pour ça que j’ai appelé ça Aux Mille Érables. Les premières années, je récoltais l’eau d’érable à la chaudière et avec un cheval appartenant à un oncle de ma femme. »

Angelo et Anita Trépanier ont été propriétaires de cette mythique cabane à sucre jusqu’en 2002 au moment où leur fils Luc en devient l’unique actionnaire. Achetant un lot par ici, un lot par-là au fil des décennies, l’érablière de la famille Trépanier comptera à son sommet plus de 32 000 entailles. Luc Trépanier vendra finalement le boisé et les installations en 2008 à de jeunes acériculteurs investisseurs.

« Ça faisait 45 ans que j’entretenais cette érablière. C’est sûr que ça m’a fait quelque chose. J’ai travaillé durant deux ans pour les nouveaux propriétaires, mais ils ne fonctionnaient pas comme moi je l’aurais fait. Le rendement n’était pas à mon goût.  Puis en 2010, il y a un couple qui a mis son lot à bois à vendre juste à côté. J’ai réfléchi à mon affaire et j’ai demandé à Anita si elle était prête à repartir. Elle m’a dit oui tout de suite. »

En revenant s’occuper d’une petite érablière de 500 entailles, qu’il fera passer à 800 en louant un lot voisin, Angelo Trépanier a l’impression de boucler la boucle. « Je m’étais toujours dit que j’aimerais ça terminer ma carrière avec une petite érablière comme celle que j’avais à mes débuts », sourit-il.

Jusqu’au printemps 2020, son épouse Anita Trépanier continuera d’accueillir les visiteurs dans la salle à manger au printemps et lui, à servir de la tire sur la neige tout en racontant des histoires. « Ça nous a tellement fait de peine d’arrêter tout ça, mais on vieillit et le personnel est plus difficile à trouver », raconte la femme de 85 ans, interrompue à plusieurs reprises durant l’entrevue par des appels téléphoniques de clients désirant réserver une place.

« Dans nos grosses années Aux Mille Érables, on avait 42 employés et on servait 1000 repas par jour. Ces clients-là sont devenus nos amis. Il y a une dame qui est venue l’autre jour avec ses petits enfants en racontant qu’elle avait leur âge quand elle était venue ici la première fois avec ses parents », se souvient-elle.

De Saint-Méthode à Sainte-Thècle

Natif de Saint-Méthode en Beauce, Angelo Trépanier a été initié aux secrets du sirop d’érable par son père à l’âge de cinq ans. « Il avait acheté des chalumeaux et on avait entaillé 25 érables, se rappelle-t-il. À 9 ans, j’entaillais tout seul et quelques années plus tard, je m’étais construit une petite cabane à sucre avec les restants d’une vieille grange », se rappelle le sympathique maître sucrier qui a découvert la Mauricie au début de la vingtaine en venant travailler dans les chantiers forestiers en Haute-Mauricie.

« Je travaillais avec un gars de Sainte-Thècle et au printemps, je l’ai suivi. C’est lui qui m’a présenté une fille qui restait dans le même rang que lui. » Et c’est ainsi qu’allait s’amorcer un chapitre de l’histoire du sirop d’érable en Mauricie qui s’écrit encore aujourd’hui, soixante ans plus tard…