« Les cultures de couverture et le respect des bandes riveraines sont à la base de la protection de notre sol et de notre eau »

RÉGION. La Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Mauricie travaille depuis quelques années sur différentes mesures pour accompagner les producteurs agricoles dans l’adaptation aux changements climatiques. Des fiches portant spécifiquement sur la région de la Mauricie sont maintenant disponibles en ligne dans le plan d’adaptation de l’agriculture de la Mauricie aux changements climatiques dans le cadre d’Agriclimat.  

Un groupe de travail régional Agriclimat de la Mauricie réunissant des producteurs et des intervenants a été créé en 2021. Les rencontres ont permis de cibler des pistes d’adaptation à envisager à l’échelle des entreprises agricoles pour, par exemple, maintenir et améliorer la santé de sols, lutter contre les ravageurs, maladies et mauvaises herbes, adapter les serres et bâtiments d’entreposage, veiller à la santé des animaux et réduire l’impact des périodes chaudes sur les animaux.

En Mauricie, quatre grandes priorités d’adaptation collective ont été déterminées : améliorer la gestion de l’eau, améliorer la santé des sols, se préparer aux épisodes de canicule répétés en production animale et s’adapter et se préparer à la pression accrue des ravageurs.

« Les cultures de couverture et le respect des bandes riveraines sont à la base de la protection de notre sol et de notre eau, mentionne Stéphane Tremblay, directeur Agroenvironnement et Aménagement du territoire à l’UPA Mauricie. On travaille beaucoup là-dessus. On voit aussi des projets de cultures intercalaires au niveau du maïs. Il y a des rangs de maïs, mais entre les deux, c’est vert, ça protège le sol. On a aussi des espèces comme les légumineuses et les trèfles qui vont être en mesure de capter l’azote atmosphérique, de sorte que ça vient augmenter naturellement l’azote dans le sol. Ça fait partie de ce qu’on fait en agroenvironnement. »

Dans son plan d’adaptation pour la région, l’UPA Mauice prévoit également une augmentation des précipitations annuelles de 67 mm dans un horizon de 2050, plus d’épisodes de canicule et de chaleur extrême et possiblement plus d’épisodes de précipitations intenses sous forme de cellules orageuses localisées.

En ce sens, le drainage des terres est un enjeu important.  Les régulateurs de nappes peuvent être une avenue à considérer, note M. Tremblay. Les grandes lignes d’un projet pilote à ce sujet se mettent tranquillement en place avec la MRC de Maskinongé et la municipalité d’Yamachiche.

« La majorité de nos terres agricoles sont drainées parce qu’on veut que le sol s’assèche plus rapidement au printemps pour être capable de semer plus tôt et aussi pour être capable d’éliminer de grands volumes d’eau durant l’été lors de fortes pluies. Le régulateur de nappe agit comme une petite écluse enfouie. Le producteur peut ajouter ou enlever un clapet pour garder de l’eau à l’intérieur de son champ pour que ça ressemble à une sorte d’éponge, explique-t-il. Pendant les épisodes de sécheresse, le producteur pourrait utiliser cette eau. On est rendu à un tournant où l’eau tombe trop ou pas assez. « 

 En parallèle, le plan d’adaptation aux changements climatiques de la région évoque  aussi une diminution maximale de 35% de neige au sol en 2050 avec des hivers plus chauds et plus courts.  « On sait qu’on risque d’avoir de plus en plus de champs qui ne sont pas suffisamment couverts par la neige en hiver. Ça peut être problématique quand il y a de grands vents. On voit aussi parfois des épisodes de pluie en hiver, ce qui peut entraîner un risque de perte de sol », fait remarquer M. Tremblay.

On y prévoit aussi une saison plus longue en raison de printemps hâtifs et d’automnes plus tardifs. D’ailleurs l’arrivée plus tardive du premier gel devrait permettre de devancer la maturité des cultures, permettant des récoltes dans des sols plus secs dans un horizon de 2050, indique l’UPA Mauricie.

Des ravageurs à surveiller

L’UPA Mauricie suit attentivement le réseau d’avertissement phytosanitaire du MAPAQ qui avise des différentes maladies ou insectes qui se propagent ou qui s’en viennent au Québec. Cet outil permet aussi d’avoir un aperçu par région.

« On remarque que certains types de rouilles de champignons s’en viennent tranquillement, tout comme le mildiou, qu’on voyait moins, qui s’attaque beaucoup aux solanacées (pommes de terre, tomates, aubergines, poivrons). Il y a également un paquet d’insectes, dont le scarabée du Japon dont l’arrivée en Mauricie est encore assez récente, détaille Stéphane Tremblay. On aura des étés plus chauds et humides. On n’est as encore adapté à ça et on n’a pas nécessairement des traitements fongiques adaptés. Il faut que la recherche soit à la fine pointe de la technologie là-dessus. On a tout de même une idée de ce qui s’en vient parce que normalement, ces maladies sont déjà présentes à nos frontières sud. »

« Pour le moment, on s’en sort assez bien en Mauricie parce qu’on se tient au courant et que les outils de surveillance sont là. Mis à part ce qui est arrivé l’an passé avec les sédiments sur le soya à la suite des grosses pluies de la tempête Debby, on a très peu de grandes pertes de rendement », poursuit-il.

Le directeur de l’Aménagement du territoire à l’UPA Mauricie surveille aussi attentivement les espèces envahissantes près des cours d’eau, comme la renouée du Japon qui progresse sur le territoire. « On garde un œil sur près de 75 espèces invasives, tant au niveau des insectes, des poissons, des reptiles, des oiseaux et de la flore, à travers l’outil Sentinelle du ministère de l’Environnement. Mais ça prend d’abord des yeux sur le terrain pour constater l’état de situation. »

Pour consulter le Plan d’adaptation de l’agriculture de la Mauricie aux changements climatiques : https://agriclimat.ca.