Le leadership féminin au-delà des frontières

SAINTE-GENEVIÈVE-DE-BATISCAN. En janvier dernier, un rêve se réalisait pour Johanne Barrette qui quittait le Québec, en compagnie de 15 autres agricultrices, en direction du Sénégal pour une mission de coopération. Ce voyage d’une durée de deux semaines avait pour but de favoriser l’autonomisation des agricultrices sénégalaises. En plus de réaliser son rêve, Johanne Barrette allait aider ses homologues africaines à réaliser le leur: vivre de leurs terres et s’assurer un avenir meilleur.

De Dakar à Saint-Louis, en passant par Thiès, Kaolack et Diourbel, Johanne Barrette, copropriétaire de PranaSens à Sainte-Geneviève-de-Batiscan, a parcouru 4500 km à travers le Sénégal en compagnie d’autres agricultrices québécoises afin de rencontrer des porte-paroles d’organisations agricoles et des membres de plus de quinze regroupements spécialisés qui se battent pour assurer la subsistance de leur famille.

« On ne posait pas nécessairement d’actions sur le terrain. C’est plutôt une mission de partage d’expériences de chacune, qui sont très différentes les unes des autres, que ce soit en maraichage, en élevage ou en production émergente comme PranaSens », raconte Mme Barrette.

«La femme part de loin au Québec. Je pense qu’on avait les mêmes conditions il y a 50 ans que celles qu’elles ont aujourd’hui au Sénégal. C’était alors facile pour certaines d’entre nous de partager comment nous avons avancé et développé nos capacités en leadership, par exemple », constate la Genevièvoise.

Ainsi, l’importance des organisations collectives dans la défense de la ferme familiale, les enjeux liés à l’équité entre les femmes et les hommes, les difficultés de la relève ainsi que les questions de mise en marché des produits agricoles et alimentaires ont été au cœur des discussions et activités de familiarisation.

Mme Barrette a également été en mesure de constater que les préoccupations de ces femmes, notamment les changements climatiques et l’exode rural, sont sensiblement les mêmes que les nôtres, mais à une échelle différente.

C’est d’ailleurs la mission de l’Union des producteurs agricoles Développement international (UPA DI) et des Agricultrices du Québec, qui organisaient le voyage, d’aider à l’autonomisation des femmes dans le monde, c’est-à-dire qu’elles deviennent autonomes dans leurs actions. Mme Barrette se désolait d’ailleurs de voir le bas taux d’alphabétisation des femmes sénégalaises ou encore la difficulté que ces dernières peuvent rencontrer lorsque vient le temps de prendre possession d’une terre ou encore d’obtenir du financement.

(Photo Hélène Raymond – UPA DI)

Au-delà des apprentissages

En plus d’être un riche apprentissage pour les Sénégalaises, les Québécoises ont également pu apprécier le partage de connaissances, comme sur la valorisation de la chaine de production et de fabrication.

« C’est quelque chose qu’on a à apprendre ici, car ces femmes ne gaspillent rien », mentionne Johanne Barrette. Par exemple, le résidu de la coque de cacahuète est transformé en tourteau pour nourrir le bétail ou en compost pour enrichir les potagers.

En plus des prises de parole en groupe, des échanges un à un se sont fait lors des repas ou encore lors des voyages en autobus. C’est de cette façon que Mme Barrette a pu constater l’évolution rapide et flagrante d’une des Sénégalaises qu’elle a côtoyée durant son séjour.

« Au début, elle était vraiment dans sa coquille et manquait de confiance en elle. Aujourd’hui elle peut prendre la parole devant une assemblée. Le cheminement que ces femmes ont fait est assez extraordinaire. Elles sont des éponges à apprendre, raconte l’agricultrice. Elles veulent tellement améliorer leur sort, cultiver leur petit bout de terrain, contrer le déficit alimentaire et le déficit d’eau. Elles ont déjà identifié les enjeux, elles ont seulement besoin des bons outils. »

De son côté, Johanne Barrette ramène une foule de souvenirs et d’anecdotes qui alimentent encore ses réflexions. « On réalise en revenant dans un milieu d’abondance à quel point on est choyé d’avoir accès à tout ce que nous avons, confie-t-elle. Le déficit d’eau au Sénégal m’a touchée beaucoup. En ce moment, elles sont en période de sécheresse, et c’est le combat perpétuel pour aller chercher de l’eau pour faire pousser des légumes ».

D’autres aventures à venir

En plus d’avoir été le premier voyage humanitaire du genre organisé par UPA DI, il s’agissait également du premier voyage humanitaire de Johanne Barrette. Lorsqu’interrogée à savoir si cette expédition lui avait donné l’envie de repartir en mission humanitaire, les yeux de Mme Barrette se sont illuminés: « Ah oui, c’est certain! Avec mon conjoint. Je crois que si j’avais pu être là un mois ou deux avec mon conjoint qui est ingénieux dans la vie, on aurait pu régler des petits problèmes que j’ai pu observer et leur partager de petits outils qui optimiseraient leurs moyens en agriculture », avance-t-elle.

« Mais pour l’instant, je dois me concentrer à former la relève de mon entreprise! Ce serait cependant un beau projet de semi-retraite», conclut-elle, le sourire aux lèvres.

(Photo Hélène Raymond – UPA DI)