Les castors dans Mékinac: petit rongeur, gros dégâts

SAINT-TITE. Avec ses lacs, ses rivières, ses forêts, Mékinac est un endroit prisé par les amateurs de plein air… et les castors.

L’animal est familier dans la région alors que son nom est porté dès les années 1930 par les équipes de hockey locales en plus de désigner une rivière traversant Grandes-Piles et Sainte-Thècle. Ce petit rongeur ingénieux qu’on trimballe dans nos poches avec les pièces de 5 sous se révèle en fait pas mal plus dispendieux pour les contribuables des municipalités de la MRC.

À Lac-aux-Sables par exemple, 13 000$ sont réservés annuellement dans le budget pour gérer leurs activités sur territoire. À Saint-Tite, la Ville a dû payer 7000$ en 2020 pour attraper les petites bêtes à grandes dents, devant quelquefois recourir à des excavatrices pour démolir leurs barrages.

Le Canadien National, dont le chemin de fer traverse la région et qui est vulnérable aux érosions de sol, survol en hélicoptère le territoire chaque printemps pour débusquer des barrages et y dépêcher des équipes pour les détruire par la suite.

La MRC Mékinac a la responsabilité de la gestion des cours d’eau sur le territoire, mais elle a des ententes avec neuf des dix municipalités prévoyant la délégation de ce pouvoir. Cette gestion implique évidemment d’intervenir lorsque les constructions érigées par les castors font ou risque de causer des dégâts aux infrastructures.

«Il y a eu de grosses inondations l’automne dernier causées par les castors sur les terres agricoles qui bordent les rivières Mékinac et des Envies», explique Pascale Dion, coordonnatrice au développement de la zone agricole à la MRC.

Trappeur depuis plus de 50 ans, Gilles Gauthier exhibe ici un piège à castor règlementaire qui brise la nuque de la bête, entrainant sa perte de conscience et son insensibilité puis sa mort moins d’une minute plus tard.

Saint-Tite est la seule municipalité du territoire qui réfère les cas problématiques à la MRC, les autres les prenant en charge elles-mêmes. Comme gestionnaire des cours d’eau, Pascale Dion fait alors appel à deux trappeurs de la région pour intervenir. «La première étape, c’est le trappage des bêtes puis après, le démantèlement du barrage avec de la machinerie lourde au besoin si c’est imposant.»

Toutes les municipalités fonctionnent à forfait, c’est-à-dire rétribue pour chaque intervention sauf Lac-aux-Sables qui accorde un contrat depuis quelques années à Lizotte Solutions, une firme de Saint-Roch-des-Aulnaies spécialisée dans la gestion du risque des activités du castor. «À cause de ses lacs et des bassins versants, c’est un endroit qui offre plus d’opportunités aux castors pour s’y établir», explique Pascale Dion. Dans le cas de Lizotte Solutions, leur équipe vient systématiquement surveiller le territoire  et intervenir au besoin.

Trapper les castors en dehors de la période permise – du 25 octobre à la fin février sur notre territoire – peut se faire, mais en obtenant une autorisation spéciale du ministère des Forêts, de la Faune, et des Parcs (MFFP). C’est d’ailleurs souvent le cas puisque le rongeur commence ses travaux de construction durant l’été pour être prêt à l’automne. Le démantèlement de leurs barrages est aussi strictement réglementé et autorisé seulement s’ils sont susceptibles d’entraîner des dommages. «Les castors font partie de notre écosystème, rappelle d’ailleurs Pascale Dion. Pour certains, ça peut même devenir un attrait touristique.»

Plus de castors qu’auparavant?

Si certains ont l’impression qu’on retrouve plus de castors aujourd’hui, ce n’est pas une illusion soutient Gilles Gauthier, un trappeur de Saint-Tite qui s’adonne à cette activité depuis son tout jeune âge et qui collabore avec la MRC. L’homme de 76 ans met ça sur le compte du prix des fourrures qui est à plat depuis trois ans et la popularité grandissante des élevages auprès des fourreurs qui obtiennent de la matière première à meilleur coût.

«J’ai vendu 21 peaux de castor l’automne dernier pour environ 13$ en moyenne chaque. Tu ne fais plus d’argent avec ça», souligne celui qui ajoute que la fourrure sauvage demeure tout de même recherchée parce que de meilleure qualité. «La fourrure d’élevage est plus épaisse et  plus lourde. Ça fait des manteaux plus pesants à porter. »

Résultat de ce désintérêt envers le castor, moins de trappeurs s’y adonnent et les petites bêtes ont la faculté de se  reproduire rapidement. «À 18 mois, un castor est mature et en mesure de s’accoupler. Ça fait qu’avec un couple de castors en liberté qui a une portée de deux ou trois bébés, la famille va se retrouver à environ une vingtaine de membres moins de quatre ans plus tard», termine Gilles Gauthier.